Celle qui a été conçue sur un matelas de buis : entretien avec la photographe Emma Barthère

Immo­biles dans le tin­ta­marre de l’univers indus­triel ou aux confins des lagunes, les femmes nues dérangent les ordon­nan­ce­ments sans pour autant faire le lit du voyeur. Elles sont les oda­lisques de la fémi­nité assu­mée dans d’ultimes réver­bé­ra­tions cré­pus­cu­laires et dans un équi­libre pré­caire mais jusqu’au triomphe d’un enfan­te­ment cos­mique par­ti­cu­lier.
Le voyeur est exposé aux mor­sures du corps nu qui jette une froi­deur indif­fé­rente ou pro­vo­ca­trice sur celui qui le fixe. Si bien que la sup­po­sée « proie » trans­perce le chas­seur là où l’espace et le temps perdent leurs repères clas­siques jusqu’à frô­ler une forme de chaos.

- D’Emma Bar­thère : Pieds Nus, port­fo­lio, col­lec­tion Espaces, édi­tions Chez Hig­gins, Montreuil

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Ma fille qui a faim.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je les garde tou­jours près de moi et les sème au fur et à mesure que j’avance.

A quoi avez-vous renoncé ?
A chan­ter juste — Aux certitudes.

D’où venez-vous ?
J’aurais été conçue sur un mate­las de buis

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Des caresses

Qu’avez vous dû “pla­quer” pour votre tra­vail ?
L’envie de vivre en pleine nature, j’espère y arriver.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Flâ­ner, un café en ter­rasse, l’odeur du petit lait dans le cou de ma fille.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Nos sen­si­bi­li­tés émotionnelles

Quelle fut l’image pre­mière qui esthé­ti­que­ment vous inter­pela ?
La lumière, l’ombre et la pénombre.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Chris­tian Bobin

Com­ment pourriez-vous défi­nir votre tra­vail sur la nudité fémi­nine ?
Ce n’est pas tant le nu en lui même qui m’intéresse mais ce qu’il per­met : le dépouille­ment total, l’accès à une cer­taine forme d’innocence et donc j’espère de vérité. C’est la ‘nature’ qui sub­jugue la ‘culture’ – nous sommes en deçà des codes. Je n’ai pas trouvé d’autres moyens que de pho­to­gra­phier encore et encore femmes, femmes et hommes enla­cés — inti­me­ment per­sua­dée de trou­ver dans ces forces qui convergent un peu de clairvoyance.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Celle de la pluie et de la rue mais aussi de la musique folk, pas mal de rock. J’aime les voix d’hommes qui font vibrer le plexus, Gil Scott Heron, Cohen, Nick Cave, Madru­gada, Bashung et tant d’autres…

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Lettre à D » d’André Gorz

Quel film vous fait pleu­rer ?
Il y en a beau­coup… Le pre­mier qui me vient : « Y aura t-il de la neige à Noël ? »

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Cer­tai­ne­ment pas ce que je suis aux yeux des autres.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A per­sonne, c’est bien là une chose que je fais sans retenue.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Nocito, un vil­lage d’Espagne sau­va­ge­ment beau et puis­sant. La Transylvanie.

Quels sont les artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Ceux qui jouent de leurs fai­blesses et qui envi­sagent déjà la suite.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
La clé d’un ate­lier – Une col­la­bo­ra­tion excitante.

Que défendez-vous ?
Le res­pect du vivant.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Qu’il était friand des aphorismes

Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ? »
C’est un jeu dangereux.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, mai 2014.

 

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