Dans l’air mûr : peintures et sculptures de Rosy Lamb

Rosy Lamb et les nudi­tés de faïence

Rosy Lamb accorde le pou­voir de pen­ser en arra­chant le voile sur la nudité des corps. Notre propre inti­mité se fait à ce prix. C’est ce qui crée l’indécence de tableaux où la femme, soli­taire, échappe par­tiel­le­ment à la vue. Tour­nant le dos au regar­deur, la femme devient à la fois l’absente et la réponse à l’abyssale com­mu­nion des corps. Le plai­sir de deve­nir un duo indi­vi­sible, invi­sible, insanc­tion­nable est écar­tée. Seule la maî­trise intel­lec­tuelle est per­mise : elle oblige à repen­ser la valeur et la fonc­tion de la nudité dans l’art.

Il se peut que l’artiste signi­fie que le rêve d’union ne s’atteint jamais. Ou pour le moins, que la chute vio­lente de l’orgasme dans le plai­sir n’est tout compte fait que le non-voir, le vide même auquel l’artiste amé­ri­caine accorde une place. Rosy Lamb « épuise » l’image de nu, efface en par­tie son lan­gage. La pein­ture n’est pas la chair. Cha­cune se donne d’une dif­fé­rente façon. Ici la pein­ture ne per­met plus de nous appuyer sur notre vision acquise et apprise. Les seins libres ne créent plus une inten­sité de sen­sa­tion éro­tique. Et le plai­sir ou son appel n’ont pas de place. La com­pli­cité se fait plus dans une souf­france que dans le désir. La nudité est donc liée au secret du dedans et non à l’exhibition d’un dehors.

Loin des cli­chés, Rosy Lamb ne crée pas la pulpe volup­tueuse d’un nou­veau matin du monde. Dans la gra­vité, la pein­ture pose la ques­tion de la soli­tude non pour la repous­ser mais parce qu’elle engendre la pré­sence d’une vérité. Le nu devient un “remo­tio”. Il s’articule à ce qui est dévoilé mais qui ne peut se péné­trer. N’existe aucune caresse assez grande pour embras­ser le ves­tige et le ver­tige du por­trait. Il reste – volon­tai­re­ment – inachevé. L’être y est éprouvé dans sa fra­gi­lité et un demi-réveil yeux fer­més, yeux ouverts, de face ou de dos mais comme éloi­gné de toute fièvre libi­di­nale.
L’artiste sous un cer­tain « clas­si­cisme » ouvre une nou­velle page dans l’histoire de la nudité. Le silence s’accumule en congère dans le concave et le convexe, l’endroit et l’envers. La chair semble per­due à la mor­sure amou­reuse, au ruis­sel­le­ment. Reste pour­tant une place à l’œil incré­dule sur le che­min du cœur. Au regar­deur de le décou­vrir dans des toiles qui délitent le décor et où l’artiste broie les cou­leurs vives. Celles argen­tées et dia­phanes qui demeurent croulent et dévalent sans jamais se faire com­plice de l’illusion éro­tique. La peau devient faïence sur le corps des femmes que le fard n’offense pas.

Lire notre entre­tien avec l’artiste

jean-paul gavard-perret

La Gale­rie Guido Romero Pie­rini et Lei Dinéty pré­sentent  Dans l’air mûr, les pein­tures et sculp­tures de Rosy Lamb du 12 au 15 juin 2014 à l’Espace Joseph, 116 rue de Turenne, 75003 paris

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