Adam Roberts & François Schuiten, Compulsion

L’émer­gence d’un nou­veau monde

Avec ce récit, Adam Roberts met en œuvre plu­sieurs thé­ma­tiques très actuelles. Il aborde une pan­dé­mie qui touche une large par­tie de la popu­la­tion. Mais cette nou­velle situa­tion, ces per­sonnes qui se retrouvent obli­gées, par une force obs­cure, de construire des struc­tures qui semblent aber­rantes, n’illustre-t-elle pas, tout sim­ple­ment, l’activité humaine depuis des mil­lé­naires ? L’homme n’utilise-t-il pas des maté­riaux natu­rels pour fabri­quer, édi­fier quelque chose de nou­veau qui n’existait pas ? Avec le sable, c’est le béton, avec les mine­rais ce sont des métaux, avec les arbres, ce sont des habi­ta­tions…
Et le scé­na­riste ins­talle un récit qui s’inscrit en anti­ci­pa­tion, en science-fiction, en réflexions sur l’activité humaine. N’est-ce pas une pan­dé­mie ce labeur qui réunit des popu­la­tions pour chan­ger l’environnement ?

Lorsque la Com­pul­sion s’est abat­tue sur le monde elle a frappé nombre de citoyens. Les vic­times que l’on appelle les Obli­gés res­sentent le besoin de prendre des objets, sans cause spé­ci­fique, pour les dépla­cer. Puis, sur un lieu imposé, ils sont capables de connec­ter ensemble ces objets très hété­ro­clites pour for­mer de nou­velles struc­tures gigan­tesques.
Vida, qui a tra­vaillé dans l’humanitaire, s’est mise à s’occuper d’Obligés. C’est ainsi qu’elle ren­contre Lee, sur une plage des USA où se consti­tue une nou­velle struc­ture. C’est au poste de police qu’il lui avoue res­sen­tir une connexion avec elle, un res­senti par­tagé par la jeune femme.
À Uzès sous une cha­leur écra­sante, Serge, un gen­darme, recherche du maté­riel volé chez Mon­sieur Bri­co­lage. Après s’être servi de son Taser contre un homme très agres­sif, il est atta­qué par son épouse, Alina, qui lui vole son arme. Elle le menace avec car elle doit trans­por­ter ce Taser vers le nord et elle a besoin de la voi­ture de la gen­dar­me­rie.
Roy, qui se trouve dans le golfe de Gas­cogne, plonge avec un sous-marin d‘exploration pour récu­pé­rer un objet dans l’épave d’un cui­rassé. En pos­ses­sion de sa prise, il aban­donne l’équipage de sur­face, qui lutte contre une forte tem­pête, pour aller vers le nord.
Peu à peu, appa­raissent, dans des endroits impro­bables, des struc­tures gigan­tesques appa­rem­ment inutiles. Mais, à mesure que les Obli­gés désossent l’ancien monde, des cli­vages s’amplifient jusqu’à…

Cette his­toire, qui met en mou­ve­ment un petit groupe de per­son­nages que l’on suit avec inté­rêt, est illus­trée de façon magni­fique par Fran­çois Schui­ten. Tout ama­teur de bande des­si­née, même novice, connaît Les Cités obs­cures, cette série qu’il crée depuis qua­rante ans avec son com­plice Benoît Pee­ters.
Ici, il n’illustre pas un récit plus ou moins en phase avec ses pré­oc­cu­pa­tions, avec son uni­vers, mais il trace des visions qui, à leur tour, influencent l’histoire. C’est avec des doubles pages en cou­leurs où son art gra­phique donne sa pleine mesure, des objets plus com­muns mis en images à l’aide de hachures, en noir et blanc, qu’il magni­fie une vision archi­tec­tu­rale nouvelle.

Avec Com­pul­sion, ces deux créa­teurs d’univers, livrent un album remar­quable à tous point de vue, pour un récit qui sol­li­cite l’attention, pour ses fabu­leuses illustrations.

serge per­raud

Adam Roberts (scénario)F & ran­çois Schui­ten (des­sin et cou­leur), Com­pul­sion, Dar­gaud, novembre 2024, 128 p. — 35,00 €.

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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