Rites
Les photographies de Linda Tuloup préservent des moments rares où la notion même de lyrisme comme de l’ “ut pictura poesis” se transforme, éveille et mène droit au registre de l’avenir. La nudité n’est plus un gouffre amer. Elle s’ouvre aux éléments du mystère.
L’artiste l’enflamme à la nuit des forêts ou dans les plis ardents de la lumière.
Ce corps ne se touche pas, non parce qu’il est craint mais parce qu’il est presque inespéré, là où l’à-peine perceptible est en quelque sorte embaumé et enveloppé selon une voyance créée par un œil reculé, physiologique mais tout autant cosmique.
Surgissent des rites intimes. Ils deviennent des initiations au voyage. Et ce, pour un retour amont vers le secret même des origines qui se transmet aussi dans une vidéo à travers une ville perdue, un visage absent et une nuée d’oiseaux.
La nudité permet d’atteindre ou de caresser tant que faire se peut l’inconnu, l’immémorial, l’invisible. Aucune indication de date ni de lieu, pas de précision de temps : un corps est venu. Le voici à la lumière.
Est-ce le début du jour ou de la nuit ? La lumière n’a-t-elle pas sommeil ?
Dans un opéra presque immobile, l’image parle sa langue obscure. Le corps boit le monde et le devient. Son étendue progresse en diverses initiations optiques.
Il y a là des tractions, des poussées subtiles et un goût de framboise ou d’anis étoilé.
jean-paul gavard-perret
Linda Tuloup, Le feu, les pierres, Otto Gallery, Gand, du 18 février au 1er avril 2023.