Tout dans le dernier livre de Parme Ceriset célèbre la vie et ses instants. L’étendue chromatique des mots permet d’activer les sensations et rappelle l’attention qu’il convient d’accorder au monde, aux autres et à soi-même. Existe une invitation au voyage vers la beauté et la plénitude d’âme contre les apocalypses annoncées.
L’imminence ici n’est jamais à la déconvenue mais à son contraire. Une harmonie s’impose. Et c’est si rare dans la poésie du temps.
Parme Ceriset, Boire la lumière à la source, Editions du Cygne, Paris, 2023.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le chant des oiseaux, la joie de voir le soleil se lever et la certitude d’avoir encore des tas de choses à vivre, à découvrir, à contempler, à expérimenter, à aimer, à créer.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
J’y suis en grande partie restée fidèle. Enfant, je rêvais de soigner les humains, les animaux, de venir en aide aux plus démunis. J’ai exercé à l’hôpital en tant qu’externe puis interne en médecine générale, j’ai fait un peu d’humanitaire en tant que jeune médecin avant d’avoir un souci de santé qui a nécessité une greffe des poumons. Depuis, je ne travaille plus dans ce domaine mais ma vocation altruiste demeure intacte : dans ma première vie, je soignais les corps, aujourd’hui, je soigne les âmes à travers mes pratiques artistiques et l’accompagnement, l’écoute que je suis en mesure d’apporter ici ou là aux personnes en souffrance. J’ai aussi fait du bénévolat animalier. Je suis fascinée par la nature sauvage et le monde animal, les loups en particulier. Je vis avec mon compagnon mais aussi avec des chiens.
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé à ressusciter les morts. Que ce soit au cours de mon cursus professionnel ou dans ma vie personnelle, j’ai vu mourir beaucoup de gens et je trouve qu’on ne s’habitue pas à la mort. Il y a un côté irréel et trop réel à la fois, et ce caractère implacable des disparitions est insupportable. S’ajoute à cela un sentiment d’injustice et de révolte selon l’âge et les circonstances des décès. Mais, par la poésie, je grave le souvenir des disparus dans l’éclat limpide de l’azur ou sur la peau cotonneuse des nuages.
D’où venez-vous ?
Je viens d’une famille aimante qui m’a appris à être heureuse malgré la différence qui était la mienne. (J’ai grandi avec une maladie rare, invisible, qui détruisait mes poumons à petit feu, avant d’être sauvée en 2008 par une greffe des poumons, après quatre ans sous oxygène). J’ai raconté mon histoire dans un roman autobiographique et poétique, Le Serment de l’espoir – Que la vie souffle encore demain, paru en 2021 chez L’Harmattan.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
La combativité de ma mère, la rage de vivre d’une louve, la passion de la liberté qui anime mon père, la féminité d’une fleur de nuit.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Me promener dans la nature, notamment dans la Drôme et sur les hauts plateaux du Vercors, humer les parfums de l’aube, me baigner en été dans les cascades.
Comment est née votre postulation vers la poésie ?
D’un rêve fait à l’âge de huit ans : un renard très étrange, orange et noir, avec des yeux immenses, « des yeux si grands qu’on aurait dit un animal des cieux », avais-je écrit à l’époque.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Ce renard donc, et les poèmes d’Arthur Rimbaud, découverts à l’école mais aussi avec mes parents et mon petit frère.
Et votre première lecture ?
« Sensation » d’Arthur Rimbaud dans un recueil trouvé dans la bibliothèque familiale.
Quelles musiques écoutez-vous ?
De tout. Ça va de la chanson française et anglo-saxonne, du reggae à la musique classique. Comme disait Verlaine : « de la musique avant toute chose ».
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Le Grand Meaulnes” pour l’extraordinaire ambiance qui y règne.
Quel film vous fait pleurer ?
“L’écume des jours” (adaptation du roman de Boris Vian).
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
L’enveloppe corporelle d’une femme, certes plutôt agréable et féminine, mais juste une enveloppe corporelle. La partie émergée de l’immense Iceberg de l’être. Comme disait Saint Exupéry dans Le Petit Prince : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À Sylvain Tesson. J’aimerais bien le rencontrer. J’ai rédigé dans La Cause littéraire une recension de son livre « La Panthère des neiges ». J’aime les aventuriers. Peut-être parce qu’à ma façon, de par mon parcours tumultueux parfois mais passionné toujours, je suis un peu aventurière également.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Il y en a plusieurs. J’ai aimé l’âme intemporelle de Venise.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
En poésie, Rimbaud pour le côté hors norme et la passion de la liberté. Dans un genre totalement différent, j’aime intensément certains poèmes de Boris Vian. Plutôt des plumes masculines donc, mais j’ai été très touchée de recevoir de La Société des Poètes français le prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 pour mon recueil Femme d’eau et d’étoiles (éditions Bleu d’encre) car j’aime la musicalité de sa poésie. Elle était de surcroît admirée et respectée par Baudelaire, Verlaine, Rimbaud.
Pour les romans, J’aime beaucoup l’univers artistique des sœurs Brontë, notamment “Les Hauts de Hurlevent”.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une forêt noire (le gâteau) : mea culpa… Je suis gourmande !
Que défendez-vous ?
L’apprentissage de l’empathie à l’école dès le plus jeune âge. Cela se fait déjà dans certains pays. C’est une façon de lutter contre la banalisation de la violence, celle dirigée contre les humains ou contre les animaux.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Elle est excellente. Pour ma part, j’aime le côté indomptable, insaisissable, indéfinissable, imprévisible de l’Amour. C’est une mer tempétueuse et j’aime y naviguer.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
J’adore cet humour décalé.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
“Quel est le sens de la vie ?”… “Le sens de la vie, c’est de vivre !” me disait mon père lorsque j’étais enfant. Je suis d’accord avec lui aujourd’hui. Il faut savourer chaque instant, et « boire la lumière à la source », pour faire écho au titre de mon recueil tout récemment paru aux éditions du Cygne. Carpe Diem ! La vie n’est pas un long fleuve tranquille mais elle est belle !
Entretien et présentation réalisé par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire;com, le 31 janvier 2023.
Une bien jolie interview d’une poétesse à la lumineuse rage de vivre communicative. Je souhaite beaucoup de succès a Parme Ceriset!