Maxime Tandonnet, Georges Bidault. De la Résistance à l’Algérie française

Georges Bidault ou la loyauté à un idéal

En lisant la solide bio­gra­phie que Maxime Tan­don­net consacre à Georges Bidault, on com­prend très vite que cette grande figure poli­tique devrait figu­rer au som­met du Pan­théon répu­bli­cain.
Jugeons-en: brillant pro­fes­seur d’histoire, catho­lique sin­cère sans excès de “bon­dieu­se­ries”, jour­na­liste engagé en faveur de la démocrate-chrétienne, sou­tien d’Aristide Briand mais lucide sur le dan­ger hit­lé­rien,  adver­saire déter­miné de l’Action fran­çaise, par­ti­san d’une “vision sociale, paci­fiste et morale de la patrie”, et sur­tout grand résis­tant, au péril de sa vie, suc­ces­seur de Jean Mou­lin à la tête du CNR, on pour­rait dire l’incarnation de la résis­tance intérieure.

Encore mieux : ministre des Affaires étran­gères et pré­sident du Conseil sous la IV Répu­blique, figure majeure du MRP, admiré et res­pecté des diplo­mates du Quai d’Orsay, atlan­tiste convaincu et ennemi de l’URSS, il adopte une ligne euro­péiste sin­cère mais moins fédé­rale que celle de Schu­man et de Mon­net (“Faire l’Europe sans défaire la France” dit-il…!).

Seule­ment voilà : Georges Bidault com­met le péché mor­tel de s’opposer à De Gaulle. Maxime Tan­don­net ana­lyse très fine­ment la diver­gence et de carac­tères et de lignes poli­tiques à pro­pos du le rôle de la résis­tance inté­rieure qui oppose les deux hommes, et ce dès août 1944, dès la libé­ra­tion de Paris.
Les rela­tions res­tent très mau­vaises entre le chef du GPRF et son ministre des Affaires étran­gères jusqu’à la démis­sion du géné­ral qui per­met à Bidault de prendre son envol au sein d’une IVème répu­blique dont il accepta la nais­sance et le fonc­tion­ne­ment à la dif­fé­rence du Commandeur.

Puis arrivent l’Algérie, mai 1958, les pro­messes gaul­listes tra­hies, l’indépendance de l’Algérie en dépit de la parole don­née. Cela, Bidault ne le tolère pas : l’Algérie doit res­ter fran­çaise. La rup­ture est com­plète. Bidault le paie d’années de clan­des­ti­nité, d’exil et de la dam­na­tio memo­riae.
Or, cet homme classé à droite depuis les années 1950 défend le main­tien de l’Algérie fran­çaise réfor­mée au nom des idéaux de 1789, de la gauche répu­bli­caine, ceux de Jules Ferry : la Répu­blique une et indi­vi­sible. C’est uto­pique bien sûr dans le contexte de l’époque. Mais Bidault y croit sincèrement.

De cette oppo­si­tion au géné­ral, Bidault ne se relè­vera pas. Bien sûr, Maxime Tan­don­net met aussi en lumière ses défauts qui, en poli­tique, sont des fautes : un homme sans réseau, froid et soli­taire, sans doute ingrat, sou­vent non­cha­lant, et… alcoo­lique.
En fin de compte, cette bio­gra­phie pénètre dans les secrets d’un homme sin­gu­lier à bien des égards, loyal à l’idéal natio­nal, qui sait se lever quand le salut de la patrie le com­mande, mais ignore cer­taines règles élé­men­taires de la vie poli­tique, et même des réa­li­tés de son temps — et du nôtre! — qu’il per­çoit mais qui lui font horreur.

Combien de res­pon­sables poli­tiques seraient capables d’un tel courage?

fre­de­ric le moal

Maxime Tan­don­net, Georges Bidault. De la Résis­tance à l’Algérie fran­çaise, Per­rin, mars 2022, 358 p. — 23,50 €.

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