Mathias Richard, 2020 : L’année où le cyberpunk a percé

Trans”-poésie  & manuel de sur­vie très humain

Poète, chan­teur, per­for­meur, écri­vain, théo­ri­cien, Mathias Richard fonde en 2007 l’ “agré­gat mutan­tiste” (dont le “Mani­feste mutan­tiste 1.1″ paraît en 2011 chez Camé­ras Ani­males), struc­ture d’édition, label musi­cal et orga­ni­sa­tion d’événements.
Déplo­rant la déser­ti­fi­ca­tion cultu­relle et l’aseptisation du monde, son tra­vail reven­dique une grande liberté for­melle, la créa­tion de nou­veaux genres et caté­go­ries et selon un prin­cipe pre­mier :” Je tra­vaille mon corps, je tra­vaille ma voix, je tra­vaille mes mots, je tra­vaille ma pen­sée,” écrit l’auteur.

L’auteur pri­vi­lé­gie des blocs de textes, des accu­mu­la­tions et cas­sures , invi­tant ainsi — écrit-il  encore — “à se plon­ger sans conces­sion dans une pen­sée une expé­rience, comme des shoots, des télé­char­ge­ments de tête, une plon­gée dans la nuit.“
Son écri­ture, com­pres­sée mais aussi en effet de dis­tor­sion issue de tous les dis­cours du monde et de l’intériorité, prouve ce que la phi­lo­sophe Véro­nique Ber­gen pres­sen­tait : Richard Mathias est déjà un incon­tour­nable de l’écriture expé­ri­men­tale actuelle.

Sous le label lit­té­ra­ture, ce livre d’audace reste à l’égal de ses textes pré­cé­dents : ceux du corps et d’un psy­chisme où reste “de la place pour les nou­veaux venus”. Existe une sorte de “trans”-poésie consti­tuée d’unités qui se heurtent. Dans ses rites de trans­va­se­ments et muta­tions, la lit­té­ra­ture exploite la réa­lité autre­ment pour en ouvrir une nou­velle per­cep­tion.
Ce qui confirme de que Chris­tophe Esnault annon­çait : “Je m’irrite sou­vent de ne voir nulle part de lit­té­ra­ture XXIème, ça y est j’ai trouvé, chez Mathias”. Se sai­sit la pen­sée qui ailleurs ne peut s’appréhender. L’auteur fait bou­ger les formes en divers souffles.

Cette poé­sie punk déblaie la lit­té­ra­ture d’un huma­nisme convenu. S’y perd avec délice la boule et “si la tête ne rentre pas dans la pétanque, la pétanque rentre dans la tête”. Dès lors, pen­sées, réflexions, poèmes, visions, élans, confi­dences, blagues, déses­pé­rances, et même man­tras forment un manuel de sur­vie très humain écrit entre mars 2020 et février 2021 : donc, en pleine claus­tra­tion épi­dé­mique, quand les évè­ne­ments mon­diaux et l’intime se confondent

La langue crée un uni­vers aty­pique, déton­nant et défor­mant. La fièvre monte. Celle d’une révolte de la langue héri­tière d’Artaud. Un cri se déve­loppe et s’échappe loin des enti­tés for­melles cau­tion­nées par les ido­lâtres du for­ma­lisme éculé. Une telle démarche dépasse la néga­tion dans ce qui devient une sorte d” ‘occasion-théâtre” où les décors sont ren­ver­sés.
Une divi­sion du cultu­rel a lieu dans une démons­tra­tion poé­tique et selon des maté­riaux lit­té­raires rare­ment uti­li­sés. Le tout dans les spasmes d’une liberté qui s’élève comme prin­cipe lit­té­raire premier.

jean-paul gavard-perret

Mathias Richard, 2020 : L’année où le cyber­punk a percé, Camé­ras Ani­males, 2022, 70 p. — 10,00 €.

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