Hélène Révay, L’Acteur (un aparté)

Ou “l’idée de rien” 

Hélène Révay excelle dans les exer­cices de soli­tudes. Elle le prouve avec L’Acteur, “un homme, la cin­quan­taine ou plus, assis à une table face au public. ” Ce mono­logue ou plu­tôt ce soli­loque nous place d’emblée dans les lieux qui sont les héri­tiers de ceux de Beckett ou Pin­get.
La médi­ta­tion “suit son cours” (comme aurait dit le pre­mier) là où, comme dans la vie, tout est effets de ratés donc de répé­ti­tions et de reprises.

Et c’est bien cela qui per­met au dis­cours de se pour­suivre. C’est aussi une manière d’illustrer ce que Cham­fort disait en une de ses maximes : “Le théâtre tra­gique a le grand incon­vé­nient moral de mettre trop d’importance à la vie et la mort”. Chez l’auteure, le tra­gique prend une nou­velle signi­fi­ca­tion, une nou­velle enver­gure dans laquelle la place de l’image (réduite au mini­mum dans sa scé­no­gra­phie) comme le texte pos­sèdent une impor­tance capi­tale mais tou­jours para­doxale.
D’où les contra­dic­tions que la jeune dra­ma­turge sou­ligne : ” je ne peux jamais écrire, jamais par­ler. (Regarde le public, dépité, et mon­trant des mains la table.) Je ne peux jamais m’asseoir à la table de tra­vail. (Un temps.)”.

Et de fait, le per­son­nage énonce le contraire des agis­se­ments pro­po­sés. Mais cet “impromptu” à défaut de “faire” un corps crée l’approche de ce qui l’empêche d’être. Les com­po­santes de l’étendue scé­nique (ou de sa réduc­tion) défi­nissent les com­po­santes de l’existence, de ce qui en reste.
Avec ce res­ser­re­ment on est, on s’en doute, bien loin de cette volonté de rat­ta­cher la créa­tion théâ­trale à la vie quotidienne.

La créa­trice quitte ce ter­ri­toire. Pour celui où “l’idée de rien” — qui se refuse — entraîne une sorte d’hystérie ver­bale et des sou­bre­sauts. Vains mais sémillants à leur manière — pour peu que le lec­teur ou spec­ta­teur soit sen­sible à l’humour au second degré, là où fina­le­ment il n’y aura eu ni vrai­ment un homme, ni même un acteur mais un “labo­ra­toire” dont Hélène Révay devient l’expérimentatrice.

jean-paul gavard-perret

Hélène Révay, L’Acteur (un aparté), Les Édi­tions Sans Escale, Paris, Sep­tembre 2021 — 13,00 €.

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