Le nouveau roman de Véronique Sales a pour titre le nom d’une île de l’archipel des Lau, sans laquelle ses protagonistes ne se seraient pas connus. En 1959, montés à bord du même avion qui part de l’Australie pour l’Amérique, Glencora (12 ans), sa sœur Mildred (6 ans), Ingvar (14 ans) et son petit frère Sven, se retrouvent seuls survivants après que l’appareil s’est abîmé dans le Pacifique.
A Okoalu, ils apprennent à vivre en l’absence d’adultes ; par ailleurs, leurs parents respectifs n’ont jamais été très présents…
Ce qui se joue dans les séquences du récit qui se situent dans l’île, c’est l’ensauvagement d’abord spontané, puis influencé, qui concerne davantage les enfants que les adolescents. Mildred et Sven s’inventent un monde à eux ; par la suite, lorsque les quatre protagonistes sont abordés par une tribu, elle aussi dépourvue d’adultes, originaire d’un autre point de l’archipel, les deux cadets assimilent sans mal les savoir-faire, les us et les coutumes des “sauvages“ qui semblent les préférer aux aînés.
Glencora, qui souffre d’avoir perdu le lien affectif très fort qu’elle avait avec Mildred, rêve de quitter l’île et incite Ingvar à l’y aider, profitant de l’influence qu’elle a sur lui.
Quelques années plus tard, Glencora et Ingvar sont revenus en Occident, mais contre toute attente leur avenir ne sera pas commun : la jeune femme vivra en Angleterre, puis aux Pays-Bas, ayant de renvoyer le jeune homme en Suède d’où il est originaire et où il ne restera pas. Après les aventures exotiques, commencent celles qu’on pouvait vivre en Europe dans les années 1960 et 1970 : les expériences du genre de celles des hippies, les voyages, l’amour libre, qui dessinent une autre manière de s’écarter des traditions occidentales d’avant.
Ce qui aurait pu servir de trame à un roman léger et hautement pittoresque devient, à travers l’écriture de Véronique Sales, un récit assimilable au conte philosophique, doublé d’une exploration du psychisme humain, riche en contradictions et en tiraillements.
Le décalage entre l’intrigue et la façon dont elle est traitée, pour en tirer des effets de sens complexes, est le meilleur atout de ce roman.
Les lecteurs qui ne connaissent pas encore Véronique Sales pourraient prendre goût à son écriture en se plongeant dans Okoalu, avant de passer à ses autres fictions, dont Le Livre de Pacha (éd. du Revif) qui est le sommet de son œuvre à ce jour.
agathe de lastyns
Véronique Sales, Okoalu, Vendémiaire, août 2021, 276 p. – 18,00 €.
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