Cette édition est partie d’un constat dressé par l’auteur. A savoir que les réponses négatives à l’envoi d’un tapuscrit à un éditeur arrivent après deux mois.
Une réponse positive ne met pas plus que huit jours.
De fait et quoique la réponse soit dans le cas de ce livre favorable, la réponse du Boucher s’est faite attendre.
Après deux ans, ce livre sort enfin donnant à l’éditeur, aux lecteurs (et nous l’espérons, à l’auteur) un plaisir toujours intact.
Toutefois, les lecteurs doivent être attentifs. Imprimé sur du papier Fedrigoni rouge, le texte est pris en sandwich au milieu d’un nombre conséquent de page blanches et vierges.
La partie “jambon” est donc réduite. Manière de minimiser les ambitions d’un auteur qui à tort ou à raison dit avoir exagéré l’importance de ses écrits tapés jadis sur une machine à écrire “qui portait un nom / magnifique / Hermès Baby”.
Fidèle à son humour et son alacrité, Nuel se contente donc de quelques aveux. Non seulement sur la difficulté d’être publié, mais sur la contrainte infligé à un auteur soumis à la destinée de gagner sa vie par des travaux intellectuels.
La poésie est en effet loin de nourrir son homme.
Celui qui se retrouve travailleur de force, puisqu’il est forcé de travailler, rappelle en ses conseils au jeune poète quelques vérités premières. Entre autres, qu’il faut connaître le métier de vivre pour seulement passer ensuite à celui d’écrire.
Et ce, même si dès la classe de 3éme un enseignant attentif vous gratifie d’être poète. Ce qui laisse pour autant à ses camarades de classe le droit d’en douter.
Mais celui qui très souvent prit le TGV entre Lyon et Paris ne put en douter même si, pendant trop longtemps, il dut sacrifier son écriture à des gribouillis plus ou moins administratifs et riches en superficialité. Pas forcément flegmatique, Nuel néanmoins ne noircit pas le tableau mais rappelle le temps perdu à bien des vicissitudes plus désagréables que totalement nuisibles.
En filigrane, le poète rappelle que l’habitude du raisonnement et de la spéculation est l’indice d’une insuffisance vitale et d’une détérioration de l’affectivité.
C’est peut-être aussi une manière de prouver que seuls ceux qui, à la faveur de leurs déficiences, parviennent à s’oublier, font corps avec leurs idées
jean-paul gavard-perret
Jean-Jacques Nuel, Hermès Baby — ma machine à écrire, coll. “Carné poétique”, éditions La Boucherie Littéraire, 2021, non paginé — 10,00 €.