Celui qui devient qui il est : entretien avec Daniel Mourre (Oxydations )

Infa­ti­gable tra­vailleur et créa­teur, Daniel Mourre pro­pose une oeuvre d’exigence et poé­tique. Atten­tif à ce qui est, il s’oppose à — écrit-il — ” mar­cher sur la tête comme on peut mar­cher sur une bouche d’égout sans plus y faire atten­tion”.
Cet objet est devenu un lieu emblé­ma­tique de son oeuvre. C’est par un tel objet que tout passe.

C’est pour lui la paroi de l’espace de notre temps. Là où nous tré­pi­gnons sur l’immuable, l’artiste élar­git notre vision.
Aucun credo n’assigne de limites à une recherche authen­tique et qui se refuse à toute imitation.

Entre­tien : 

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie de créer, de m’améliorer, et l’espoir. L’espoir d’avoir une bonne nou­velle suite à l’envoi par mail de cen­taines de dos­siers dans l’attente de réponses.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je les concré­tise depuis le 24 jan­vier 2019 où j’ai trouvé la foi en moi et mon art. Avant cette date, j’essayais sans foi.

A quoi avez-vous renoncé ?
A rien. La vie m’offre tout ce dont j’ai besoin quand je le pense et quand je le demande.

D’où venez-vous ?
De Sau­ve­terre du Gard, où j’ai passé toute mon enfance. Avant ça, j’étais une âme appe­lée et choi­sie par une famille qui m’a édu­qué pour être ce que je suis désor­mais. Son empreinte a été forte dans ses extrêmes.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
Phy­si­que­ment, les dons de mon père pour son côté manuel ; et psy­cho­lo­gi­que­ment les angoisses et les psy­choses de ma mère. Les empreintes édu­ca­tion­nelles, même si elles me font souf­frir, ont révélé l’être et l’artiste que je suis à présent.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
1 heure de médi­ta­tion, de relaxa­tion ou d’hypnose pour me retrou­ver, m’ancrer et créer. Depuis 2 ans je ne me cherche plus, je me crée.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Mon tra­vail est sin­gu­lier et per­son­nel. Je cultive mon ori­gi­na­lité et mon uni­cité. J’essaie de faire ce que les autres ne font pas, en m’inspirant de ma vie et mes expé­riences. J’essaie de ne m’inspirer de per­sonne d’autre.

Com­ment définiriez-vous votre approche de l’oxydation ?
Je ne l’ai pas cher­chée. Elle s’est impo­sée à moi. Au départ, c’est suite à une réflexion sur l’impact de l’homme dans son envi­ron­ne­ment que j’ai tra­vaillé la bouche d’égout qui était cachée sous la moquette d’un salon pro­fes­sion­nel. Elle m’a été révé­lée par le pas­sage de mil­liers de per­sonnes. C’est par la suite par des infil­tra­tions d’eau inopi­nées sur des empreintes, et des recherches que le phé­no­mène d’oxydation s’est révélé à moi.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Les san­tons colo­rés de la crèche pro­ven­çale de mon père, puis les per­son­nages de Bambi par « Maco mou­lage » reçus comme cadeau à Noël pour mes 5 ans. C’était beau. Ca a été mon pre­mier tra­vail sur l’empreinte à par­tir d’un moule.

Et votre pre­mière lec­ture ?
“Au nom de tous les miens” de Mar­tin Gray ; puis tous les Pagnol.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Tout. Je m’intéresse à tout.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Au nom de tous les miens” de Mar­tin Gray, puis tous les Pagnol

Quel film vous fait pleu­rer ?
“La liste de Schind­ler”, entre autres.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Depuis le 24 jan­vier 2019, un homme qui me plaît et que je trouve beau, investi d’une sorte de divi­nité. Avant cette date, un être tor­turé que je ne vou­lais pas voir.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai écrit à presque à tout le monde, cela ne m’effraie pas, j’ai de l’audace. La preuve, je vous ai écris alors que vous ne me connais­siez pas, et vous m’avez répondu.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Cer­taines sont légen­daires, mais tous les endroits du monde ont du charme si on s’attarde un peu. Cela dépend aussi avec qui vous êtes.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Les nou­veaux réa­listes (César, Klein, Arman), le mou­ve­ment du Land Art , l’Arte Povera et Van Gogh pour sa per­son­na­lité et son oeuvre. Les pre­miers artistes de l’humanité dans la grotte de Chau­vet. Et tant d autres.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Une réponse posi­tive pour une pre­mière expo­si­tion dans une grande gale­rie d’art connue, sans que le Covid n’y mette fin.

Que défendez-vous ?
La vie par la mort, le beau en magni­fiant le laid, la lumière par un pas­sage du sombre au clair, la trace par son effa­ce­ment et l’effacement par sa trace.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Pour­quoi insis­ter si ce n’est pas par­tagé ? C’est que c’était pas la bonne per­sonne. La vie nous don­nera ce que l’on veut le temps venu. Il faut savoir attendre.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Dire oui même si on ne connaît pas la ques­tion. L’expérience bonne ou mau­vaise fait par­tie de la vie.

Et si le coeur vous en dit celle de Via­latte : “L’homme n’est que pous­sière c’est dire l’importance du plu­meau” ?
Rigo­lote mais aussi trop sérieuse pour la décor­ti­quer en une phrase pour moi.
Mon résumé : « Pro­fi­tons de chaque ins­tant, nous ne sommes rien»

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Pour quelles rai­sons mon art a-t ’il attiré votre attention ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 2 jan­vier 2021.

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