Et l’homme créa la femme (The Stepford Wives)

Des femmes blondes aux gros seins par­tout comme s’il en pleu­vait : vous avez dit robots ?

L’histoire
Joanna Ebe­rhart (Nicole Kid­man), concep­trice de rea­lity shows à suc­cès sur une chaîne de télé­vi­sion qu’elle dirige, est limo­gée à la suite d’un inci­dent public. Elle tombe alors en pleine déprime et son mari, Wal­ter Kresby (Mat­thew Bro­de­rick), qui tra­vaillait à ses côtés, décide de l’emmener loin de New York pour qu’ils se recons­truisent avec leurs deux enfants une vie plus saine.
Aussi s’installent-ils dans un véri­table petit para­dis, la ville de Step­ford, dans le Connec­ti­cut, com­mu­nauté par­faite en tous points et que tient sous son égide le couple Claire (Glenn Close) et Mike Wel­ling­ton (Chris­to­pher Wal­ken).
Mais voilà : tan­dis que le couple Kresby bat de l’aile, Joanna s’accommodant mal cette nou­velle situa­tion où elle n’exerce plus sur son mari son auto­rité tyran­nique habi­tuelle, la jeune femme découvre que toutes les épouses de Step­ford se res­semblent et se com­portent comme des sortes de robots aux ordres de leurs chers et tendres. Entou­rée de deux apôtres en excen­tri­cité, l’écrivain Bob­bie Mar­ko­witz (Bette Mid­ler) et l’architecte homo­sexuel Roger Ban­nis­ter (Roger Bart), elle tente de per­cer à jour le secret de ce trou­blant havre de paix qu’est Step­ford…

Micro­bim­bos
Outre la ville rési­den­tielle elle-même, sorte de maquette réduite de la per­fec­tion U.S — de magni­fiques demeures mai­sons bour­geoises aux pelouses imma­cu­lées bor­dant des rues éter­nel­le­ment tran­quilles -, ce sont les femmes qui inquiètent Joanna : toutes par­ti­cipent en effet d’une beauté irréelle, leur visage est tou­jours sou­riant, elles portent de coû­teuse tenues (mais fort sem­blables) sur un corps aux men­su­ra­tions dignes d’un maga­zine papier glacé.
Fait confon­dant entre tous, qui met­trait la puce à l’oreille d’un élé­phant dans un super­mar­ché de bim­bos en por­ce­laine : douées pour la cui­sine, la pâtis­se­rie, l’éducation des enfants au quo­ti­dien et la gau­driole le soir avec leur moi­tié, elles sont toutes blondes aux gros seins — incar­nant semble-t-il le type même du fan­tasme (réduc­teur) masculin.

Bref, ce micro­cosme où les hommes sont mariés à des femmes sans faille (belles et dociles), et où cha­cun paraît au maxi­mum du bon­heur pos­sible (spé­cia­le­ment les mes­sieurs : on les com­prend !), est bien trop beau pour être hon­nête, et on n’attendait pas moins d’une cas­ta­trice offi­cielle telle que Joanna, cris­pée et cris­pante tout du long, qu’elle mette son grain de sel dans cette belle affaire.
Tout se passe bel et bien comme si la jeune femme, pré­dis­po­sée à se jouer des sen­ti­ments des hommes et femmes ordi­naires et à culti­ver la pul­sion voyeu­riste de tout un cha­cun, devait remettre en cause la béa­ti­tude de son mari, ravi par la doci­lité et l’artificialité des créa­tures de Step­ford et pas­sant de déli­cieuses soi­rées viriles à « l’Association des Hommes » locale, entre whisky et cigare.

The Eve’s family ?
C’est à peu près le seul degré de cohé­rence que véhi­cule le film, tant la suite du scé­na­rio est à la fois cou­sue de fil blanc et par trop comique. Il y avait pour­tant dans de The Step­ford Wives - roman paru en 1972 d’Ira Levin (à qui l’on doit aussi A Kiss Before Dying, Rosemary’s Baby, The Boys from Bra­zil et Dea­th­trap) puis devenu une réfé­rence cultu­relle notable — de quoi ali­men­ter un film en rebon­dis­se­ments et en ques­tion­ne­ments.
Porté à l’écran une pre­mière fois en 1975 à l’écran par Bryan Forbes, « Les femmes de Step­ford » — un titre car­ré­ment moins lou­foque que celui de la VF — mon­trait com­bien il était pos­sible de jouer à volonté sur le mythe sati­rique de Fran­ken­stein, mais le réa­li­sa­teur Frank Oz, loin de pri­vi­lé­gier une déri­sion à la Famille Adams (mal­gré la pré­sence du scé­na­riste de celle-ci, Paul Rud­nick), choi­sit ici d’en res­ter au stade du simple enter­tain­ment : sa comé­die fan­tas­tique, si elle peut dis­traire, déçoit par cer­taines faci­li­tés et un constant sou­hait d’aplanir ce qui eût été mille fois plus sug­ges­tif relevé d’un chouia de sérieux.
 

La thé­ma­tique des rela­tions homme-femme déve­lop­pée il y a trente ans par le roman de Levin n’est donc pas revue et cor­ri­gée à l’aune du XXIe siècle , et on le regrette. Cette ville peu­plée de « femmes modèles » condam­nées par leurs com­pa­gnons parce qu’elles les dépassent en puis­sance, ces mères et épouses par­faites ne per­met­tront pas en défi­ni­tive qu’on s’interroge sur les chan­ge­ments sociaux des trente der­nières années, pas plus que sur le maté­ria­lisme, le consu­mé­risme et leurs stig­mates exa­cer­bés par Step­ford. Quant à l’hystérie du remo­de­lage per­ma­nent et de la per­fec­tion cor­po­relle qui hante notre société, elle n’est convo­quée qu’à titre de pré­texte ludique.
A ce titre, qu’on nous auto­rise cette remarque : on veut bien admettre qu’un prof fol­dingue s’amuse à rem­pla­cer toutes femmes croi­sées par des robots, mais pour­quoi faudrait-il, émi­nente ques­tion cybernético-philosophique, que ceux-ci soient tous équi­pés en 95 D ? On se demande encore ce que Nicole Kid­man, Glenn Close et Chris­to­pher Wal­ken — qu’on a connus plus ins­pi­rés — sont venus faire dans cette galé­jade…
 

Reste non­obs­tant que l’ambiance du film est agréable, en phase notam­ment avec bande ori­gi­nale de David Arnold trou­vant ici un bon relief (même si les dia­logues valent sur­tout d’être enten­dus en VO — les mixages anglais et fran­çais Dolby Digi­tal 5.1 ne rendent cepen­dant pas grand chose dans les voies arrières). La ville-carton-pâte-utopique de Step­ford est ainsi bien ren­due par Oz, qui pousse à leur extrême tous les arché­types, à la façon dont Tim Bur­ton épin­glait les tra­vers de dis­ney­lan­di­sa­tion des sub­urbs dans Edward aux mains d’argent par exemple.
Il est à noter d’ailleurs que, mal­gré quelques pro­blèmes de com­pres­sion ponc­tuels, Dream­works pro­pose là un mas­ter d’une très bonne tenue, les contrastes sont fort satis­fai­sants et, sur­tout, la palette chro­ma­tique évoque par­fai­te­ment le cocon stepfordien.

Du côté des bonus
Sté­rile et plat, le com­men­taire audio de Frank Oz s’avère insi­pide alors que le le making of de « Et l’homme créa la femme » (Un monde par­fait, 19mn47 — vost) a une por­tée seule­ment déco­ra­tive. En revanche, Step­ford : Les archi­tectes (6mn01 — vost) revient sur la genèse du film et les pro­jets du réa­li­sa­teur et du scé­na­riste eu égard à la ver­sion ori­gi­nale et au roman, et « Step­ford : Les scènes inédites » (9mn57 — vost) pré­sente six scènes cou­pées assez plai­santes, sui­vies d’un bêti­sier qui enfonce le clou.

fre­de­ric grolleau

Et l’homme créa la femme (The Step­ford Wives)

Réa­li­sa­teur : Frank Oz Avec : Mat­thew Bro­de­rick, Nicole Kid­man, Chris­to­pher Wal­ken, Glenn Close, Bette Mid­ler, Faith Hill • Date de paru­tion : 18 jan­vier 2005 • Édi­teur : Uni­ver­sal Pictures

Image : DVD 9 — 16/9 com­pa­tible 4/3 — For­mat 1.85 Son : Dolby Digi­tal 5.1 Anglais, Fran­çais Sous-titres : Fran­çais, Anglais et sous titrages anglais pour sourds et malentendants

Bonus : — Com­men­taire audio du réa­li­sa­teur Frank Oz
-  Un monde par­fait : le making-of
-  Step­ford : Le concept
-  Les archi­tectes de Step­ford
-  Les femmes de Step­ford
-  Les hommes de Step­ford
-  les scènes inédites
-  Bêti­sier
-  Bande-annonce

Prix : 20, 00 euros

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Filed under DVD / Cinéma

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