Dès son premier texte - Un rêve en éclat — Titus-Carmel se veut le fou chantant de son propre délire fait d’amour et de chagrin. L’écriture devient une survie entre autres dans Horizon d’attente que l’auteur nomma un “monument de chutes” et un état des lieux dans ce qui sonne comme une superbe élégie en 3 parties entourée par un prologue (“Crayonné de Brac”) et d’un épilogue (“Horizon d’attente”).
L’auteur descend dans cette pénombre insurmontable que l’écriture a pour but de faire surgir à travers quelques arpents de lumière. Il se glisse là en utilisant la poésie pour retrouver les lieux les plus cachés de la maison de l’être. Le poète - qui se transforme parfois en « Chac-Mool de la ville bleue, nanti des bonbonnes d’oxygène qui me permettront de nager des heures entières sous l’océan”- trouve ici une voix plus grinçante afin qu’une telle lumière crisse.
Tout commence par la phrase de Pascal “Que l’homme se regarde comme égaré dans le canton détourné de la nature”. L’isolement de l’être humain est déjà en place. Le tout dans une éloquence inédite puisqu’elle souligne l’idée d’une attente sans mots.
Elle n’a toutefois lien et lieu que par eux. Ils sont choisis à dessein pour marquer la distance ou la “différance” chère à Derrida qui serait le seul signe de la “seule et hautaine présence” de tout homme.
L’absence permet un équilibre ou un balancement entre opposition et conciliation au sein des “jours coulés à périr” où roucoule parfois “une source d’eau claire / fraîchissant lèvres / & mots”. L’élégie devient le porte-voix à la fois de l’amour disparu pour une femme et dont il ne reste bientôt que “le chant de ses bracelets” et du vert paradis de l’enfance dont la disparition plonge “dans le grand sommeil du non-étant“
Tout se crée en une tension extrême au sein des “os enfouis dans l’innocence du corps où je ne fus que rarement présent”. Du poète semble ne persister qu’une ombre mais une ombre portée.
Les sensations prennent un nouveau sens là où il n’existe plus d’issues ou directions. Le sol quitté, une errance est là au moment de la recherche d’une paix que Titus-Carmel espère en nageant entre deux eaux face à un monde qui appelle déjà la chute et la nuit.
Mais la musique du texte la rend moins effrayante que souveraine en se transformant en une grande étendue d’eau noire mais scintillante.
jean-paul gavard-perret
Gérard Titus-Carmel, Horizon d’attente, Tarabuste, 2019, 112 p. — 13, 00 €.