Le train est aujourd’hui le moyen de transport collectif le plus sûr, à défaut, ces dernières années, d’être, en France, le plus ponctuel. Mais l’essentiel n’est-il pas d’arriver en bon état, à bon port ? Or, ce n’a pas toujours été le cas et les accidents, les catastrophes nombreuses frappèrent l’esprit des populations par le nombre élevé de victimes.
Cependant, dès son avènement, le train frappa l’imagination des populations et donc celle des chroniqueurs, romanciers, nouvellistes… Et, en la matière, ceux-ci ont fait preuve d’une belle créativité.
Après Trains de cauchemars, parus en janvier 2012, qui réunissait une série de 26 textes de Jules Claretie, Maurice Level, Marcel Schwob… des extraits de La Bête humaine de Zola, de La Peur et de Notes d’un voyageur de Guy de Maupassant, Philippe Gontier propose Trains de terreur. Des textes qui se composent respectivement de 26 et 30 textes.
Si, dans la première anthologie, les textes étaient présentés en quatre groupes intitulés : Trains de terreur et de mort, Trains de l’au-delà, Trains de l’avenir et Documents, la seconde ne se compose que de deux parties : Contes et nouvelles, parus entre 1886 et 1925, et Documents. Ces derniers regroupent des articles, des extraits de journaux sur les catastrophes, les accidents, la criminalité…
Dans des préfaces érudites, détaillées, l’anthologiste explique l’émergence du trafic ferroviaire et son développement et retrace l’émoi qu’il a suscité. Dès son apparition, le train suscita la peur, une angoisse confortée par d’éminents scientifiques tels ceux de l’académie de médecine de Lyon qui prophétisaient que : “Le passage trop rapide d’un climat à un autre produirait sur les voies respiratoires un effet mortel.” Théophile Gauthier qui fait le voyage sur la ligne Paris-Saint-Germain, en 1837, conclut, dans l’article relatant son expérience, que le train va de pair avec la peur et… la mort.
Philippe Gontier rappelle les sources de ces peurs et la façon dont, comme aujourd’hui, certains médias montent en épingle le moindre fait divers pour en faire un fait de société. Il est absolument passionnant de mesurer la façon dont les auteurs exploitent quelques idées fortes autour de faits qui nous semblent maintenant entrer dans le banal au point que personne, ou presque, n’y fait attention. Le train est un élément constitutif de notre société et de notre vie quotidienne.
Si les premières mises en garde, contre le train, étaient surtout contre le progrès que ce mode de locomotion représentait, les accidents, collisions, écrasements firent les premières pages des journaux, renforçant la position des détracteurs. L’inauguration de la ligne Liverpool– Manchester, où un député avait été écrasé par une locomotive, avait fait grand bruit. C’est en France qu’une catastrophe eut un énorme retentissement en mai 1842 parce que figuraient, parmi les victimes, l’amiral Dumont d’Urville, sa femme et son fils. Mais, comme le fait remarquer Philippe Gindre, avec une ironie mordante, en conclusion de son récit sur les circonstances de la mort du premier passager sur les rails, personne n’évoque les ouvriers tués lors de la construction de ces lignes.
Puis la criminalité s’invite dans ces trains, dans ces lieux clos que l’on ne peut quitter, à la merci de voleurs, d’assassins, de violeurs et autres agresseurs. La psychose se développe avec le célèbre Charles Jud, l’insaisissable criminel du Paris-Mulhouse entre 1860 et 1864.
Ces textes à l’emphase souvent ampoulée, où le devoir prime sur la volonté de destruction, de vengeance, sont d’une modernité confondante comme celui d’Edmond Haraucourt, paru en 1907, qui décrit l’accélération du monde. Chaque nouvelles, chaque extrait, est complété par une note d’une à quatre page redonnant le contexte, une biographie de l’auteur et la bibliographie du texte en question.
Ces deux anthologies offrent une lecture passionnante, à la fois pour ses données romanesques, l’attrait des intrigues et un volet historique de ce moyen de locomotion vu par des contemporains de son développement.
serge perraud
Trains de cauchemar, Trains de terreur, Anthologies d’épouvante et d’insolite ferroviaires, textes réunis et présentés par Philippe Gontier, Coédition des Aventuriers de l’Art Perdu et de La Clef d’Argent, coll. “Terreurs anciennes” n°1 et 3, janvier 2012 et novembre 2017, 306 et 270 p. – 19 € le volume.
Ouvrages disponibles sur le site www.clef-argent.org