Le film de Michel Marié est le modèle exemplaire du film documentaire sur le parcours d’un(e) artiste. A partir d’une idée du poète Jean-Yves Loude, le réalisateur est rentré en symbiose avec la créatrice au travail. Il la suit dès l’aube. A cette heure Mariette, depuis 33 ans, modèle une centaine de têtes en guise d’échauffements et de médiation. Et ce, à la manière de Hugo qui au chant du coq alignait des chapelets de vers pour se vider la tête. La vision de statuettes matinales donne déjà un aperçu de l’œuvre de la négresse blanche de Saint Laurent du Pont, de la « Black Magic Woman » qui — à n’en pas douter — dans un autre siècle, traitée de sorcière, aurait fini sur le bûcher. Il est vrai que le travail de cette guérisseuse d’âmes peut inquiéter. Quoique la travaillant, elle ne fait pas dans la dentelle. Son art est des plus singuliers. Il n’a rien de naïf. Il demeure premier dans sa violence et son mysticisme qui dépassent toute religiosité.
Dès lors, à côté de la civilisation que son père (le graveur) a inventée, Mariette produit une œuvre bien à elle en hommage à toutes les femmes et selon un rituel particulier. Il est pris parfois et à tort pour un blasphème. Certes, l’artiste tend la verge pour se faire battre : non seulement elle fait subir à la Vierge certains outrages, mais elle arrache le Christ de sa croix pour le rhabiller. Néanmoins, elle ne se veut en rien culottière du pape. Elle devient la styliste qui, par vêtements et effet de voile, rend, selon elle, la figure divine la plus « craquante » qui soit…
Le plus frappant dans l’œuvre demeure les poupées. Elles hantent en maîtresses femmes souvent estropiées les deux triangles décalés de la maison, atelier, musée qui se visite au pied de la Chartreuse. Couseuse — entre autres du silence et du chagrin de sa mère -, accoucheuse de mystères, Mariette trouve dans leur invention une sorte d’apaisement même si en un premier temps les centaines de poupées en mal d’enfantement sont soumises à des opérations (entendons ouvertures) et décapitations. Un tel univers peut sembler cruel : mais, à le contempler de près s’y cache — sous une provocation en rien jouée mais purement naturelle — une grande douceur maternelle. Les poupées cassées, emmaillotées, piquées, blessées, Mariette les chérit à sa manière. Elle insère dans leur ventre un monde des plus fascinants où les béances de césariennes cruelles et premières se transforment en sanctuaires de félicité.
Un tel film permet de comprendre cet univers baroque, profond et qui méduse et intrigue à plus d’un titre. Il donnera envie à ceux — en partance pour les stations de ski savoyardes ou pour l’Italie – de faire un détour par Saint Laurent du Pont. Ils ne seront pas déçus par les puissances d’anamorphoses et chimères qui flottent dans la Maison de Mariette. Au trébuchet de l’inquiétude, aux ajustoirs du tourment font place des fleurs de rhétoriques de la pleine espérance.
jean-paul gavard-perret
Michel Marié, La Maison de Mariette, Editions Singulières Productions, (contact@singlulieresproductions.com), 2017.
La famille Pessin à l’affiche !
JPGP toujours au top dans ses critiques.
Votre film , chère Mariette , est le plus beau cadeau de l’an nouveau !
Il est très parfaitement réussi autant dans la gestion des thèmes qui rythment les créations que dans l’émotion familiale = les derniers silences maternels m’ont bouleversée =
Ensemble bercé par une musique discrète .
En résumé tout est sobre , profond et VRAI comme vous !
Vous m’étonnerez toujours par votre charisme , votre authenticité et vos créations en originalité exponentielle .
JPGP rend un hommage dithyrambique et fort mérité .
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