À s’offrir ou offrir avant le 21 décembre 2012, car qui sait…
Jean-Noël Lafargue brosse un panorama des plus grandes fins du monde vécues par l’humanité depuis que celle-ci a gardé une mémoire.
La fin du monde est un récit universel qui prend différentes formes ou voies selon les cultures, les religions, l’avancée de la connaissance et des moyens technologiques. Selon les époques, les raisons, les motifs évoluent, mais la crainte eschatologique reste constante.
L’auteur propose un périple historique à travers : « …les fins du monde plus que la fin du monde, c’est-à-dire les multiples propositions de futurs ou de passés cataclysmiques qui ont été faites au fil du temps. » Ce voyage, à travers l’eschatologie (la science de la fin des temps) commence par la vision religieuse des peuples. Ce sont les dieux qui en décident ou en sont responsables à divers degrés. La plupart des divinités sont fragiles, doivent lutter pour subsister. Si elles disparaissent, leur création meurt. Dans l’Égypte ancienne, par exemple, Ra ne disparaît-il pas chaque soir ?
L’auteur étudie alors les visions, les rapports entre les hommes et les dieux dans la religion hindouiste, bouddhiste, chinoise. Cette fin du monde n’est pas toujours terrifiante et marque, pour nombre de sociétés, un nouveau cycle, une nouvelle ère, une meilleure concordance des rapports entre les hommes et des dieux. Dans ces liens religieux, la responsabilité de la fin du monde revient à l’homme qui, par son attitude, son manque de croyance, attise la colère des divinités.
Plus près de nous, Jean-Noël Lafargue évoque la vision occidentale de la fin du monde. Un des premiers textes qui propose celle-ci est le poème du Supersage et l’épopée de Gilgamesh. Elle est rédigée en langue sumérienne et date du XIIIe siècle avant notre ère. Elle raconte que le seul moyen qu’a trouvé le dieu en chef, pour se débarrasser des hommes qu’il a créés, mais qui maintenant l’opportunent, est de noyer la Terre. Comme dans le déluge de Noé, un homme est averti et…
Les villes détruites, les continents engloutis relèvent de cette catégorie, car il s’agit bien de la fin d’un monde pour ceux qui y vivaient. Si les continents ne disparaissent pas aussi facilement que l’Atlantide, récit de Platon, les villes noyées, englouties existent dans le monde entier à l’image de Sodome et Gomorrhe, d’Ys (au large de Douarnenez) ou de Thônis-Héracléion dans la baie d’Aboukir.
Puis, l’auteur aborde la vision du monde monothéiste avec ses chantres de l’apocalypse, le plus célèbre étant Jean de Patmos, l’Islam et le jour du jugement…
L’an mille a suscité sa part de crainte comme, dans une moindre mesure, celle que l’on a retrouvée au passage de l’an 2000 et que nos descendants terriens vivront, sans nul doute, à l’an 3000. Le Moyen Âge, avec les famines, la peste noire, a généré autant de raisons de craindre une fin de la Terre. Jean-Noël Lafargue explicite l’évolution des causes et des formes que prennent ces fins du monde selon les avancées technologiques, le contexte politique et la puissance religieuse. À l’heure actuelle, la crainte de l’atome, soit sous l’aspect offensif, soit par le défaut de maîtrise de ce qui est appelé joliment de l’atome domestique nourrit nombre de fins de l’humanité. La pollution, la dégradation de l’environnement offrent également un large choix pour l’éradication de l’Homme. Lafargue évoque brièvement le futur proche avec ce 21 décembre 2012 où, une fois de plus…
L’auteur passe en revue les principales œuvres qui traitent du sujet, tant littéraires que cinématographiques, car le sujet a été le thème d’une kyrielle de romans, films, bandes dessinées… Pour chaque partie, Jean-Noël Lafargue développe de manière synthétique, avec brio et érudition, les tenants et les aboutissants de l’événement, la genèse et le contexte. Les textes sont enrichis par une iconographie remarquable, variée, en pertinence avec le sujet abordé. Ce livre est magnifique.
serge perraud
Jean-Noël Lafargue, Les Fins du monde — de l’Antiquité à nos jours, François Bourin Éditeur, octobre 2012, 314 p. — 45 €.