Une performance littéraire
À la fin des années 1970, l’action se passe dans un ancien village de pêcheurs. Nous sommes à trente kilomètres de Marseille. Une jeune fille maigre et timide porte difficilement ses 16 printemps. Jusqu’au moment où elle entend une voix. Celle bien saccadée d’une autre jeune femme maigre et timide. Mais trentenaire celle-ci. Elle publie son premier disque. Elle est aussitôt propulsée star. C’est Patti Smith qui, avec Horses, pénètre dans la légende. Elle devient une icône. Elle est adulée. C’est une artiste aux multiples talents. Une chanteuse et une poète. Une rebelle, surtout. Alors, à l’instar de tous les fans, l’adolescente perdue va s’imaginer une correspondance secrète avec son idole. La voix de Patti Smith se révèle comme la clé de ses vertiges. Un sésame pour ailleurs et ne pas mourir d’ennui.
“On projette toujours ce qu’on est, ce qu’on n’est pas, ce qu’on voudrait être, ce qu’on croit être, sur les artistes. Ils sont là pour nos rêves, nos utopies. Pour nos faiblesses. Pour nos illusions. Pour nos grandeurs.”, écrit Claudine Galea. Elle qui fut lauréate du Prix Radio SACD 2009 et du Prix des Radiophonies 2008 pour Sept vies de Patti Smith, fiction radiophonique commandée par France Culture, pour la série « Les icônes du rock ».
Pendant trente ans, le dialogue ouvert en 1976 au bord de la Méditerranée s’est poursuivi en secret. Depuis le concert Pantin en 1978. Jusqu’à la lecture donnée par Patti Smith dans Vagues de Virginia Woolf, à la Fondation Cartier, en 2008. Puis le temps a passé, mais la voix de Patti ne s’est pas perdue dans les limbes. Elle s’est à nouveau imposée. Et sa puissance a fait remonter en surface ce temps de l’adolescence. Quand son corps a été aimanté par la voix de la chanteuse. Brûlé par le magnétisme de ce timbre si particulier.
Ce roman raconte l’histoire d’une vie qui s’accomplit à travers la création. Un double-portrait en forme de dialogue fictif. Voire un dédoublement qui nous parle de l’impérieux besoin de liberté. De la volonté d’inventer sa vie par les mots. De la jubilation d’être multiple. Du désir d’être aimée. Patti Smith mais aussi Marguerite Duras. Ou Virginia Woolf. Trois étoiles filantes qui traversent ce livre. Avec l’énergie pure du rock & roll. Avec sa rage, Claudine Galea donne là une performance littéraire. Tout aussi protéiforme que son modèle.
la redaction
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Claudine Galea, Le corps plein d’un rêve, coll. “la brune”, Rouergue, septembre 2011, 136 p. — 14,50 € |
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