Christophe Esnault, Mythologie Personnelle

Puzzle

Le livre de Chris­tophe Esnault part d’un prin­cipe simple. L’auteur a choisi de répondre à sa main et à son gré à quatre ques­tions posées par André Bre­ton dans une série « d’enquêtes » publiées dans trois revues sur­réa­listes : Pour­quoi écrivez-vous ? Le sui­cide est-il une solu­tion ? Quelle sorte d’espoir mettez-vous dans l’amour ? Quelle a été la ren­contre capi­tale de votre vie ? Il a répondu en incluant 48 textes visuels (des plus savou­reux). L’auteur a voulu par la concep­tion de ce pro­jet faire de son livre un écho « à la dra­ma­turge anglaise Sarah Kane et à son sublime 4.48 Psy­chose ».
Le pari est res­pecté. Les mots font l’amour, cajolent, cha­touillent, vibrent, mau­dissent et salissent au besoin. Cer­tains sont mis en « cubes » pour syn­thé­ti­ser tout en iro­ni­sant le pro­jet : « J’écris parce que je ne peux pas regar­der des films por­nos tout le temps ». Pour autant, chaque ques­tion simple devient le moyen de mul­ti­plier les réponses com­plexes. Mais ce qui pour­rait deve­nir fatras laisse appa­raître des lignes de fonds.

L’auteur ne quitte jamais ses spectres : il les accouche dans une opé­ra­tion qui, sous l’effet de drô­le­rie, per­met d’atteindre une com­plé­tude qui porte au-delà de la souf­france qui rampe assez sou­vent. Sur­gissent le silence de l’âme et le bruit de l’inconscient loin de « la conscience mor­bide ». D’où l’impression que les affir­ma­tions sortent par le ventre. Les émo­tions en débordent de manière frac­tale : bref, sans jamais tom­ber dans la com­plainte. L’effet seg­ment donne du mou­ve­ment et une forme de sobriété là où le com­pact pour­rait lais­ser craindre un côté étouffe-chrétien
Chris­tophe Esnault se bat ainsi face aux envoû­teurs du tout pensé. Le corps y semble près de la bête, mais il est tout autant proche de la vision humaine. L’auteur secoue l’épaisseur et l’opacité venues de la libido comme du mys­ti­cisme. Mais plu­tôt que d’enfermer le pur logos, les mots per­mettent la nais­sance de bour­geons inattendus.

jean-paul gavard-perret

Chris­tophe Esnault,  Mytho­lo­gie Per­son­nelle, Edi­tion Tin­bad, coll Poé­sie, Paris, 2016, 90 p. — 13,50 €.

3 Comments

Filed under Poésie

3 Responses to Christophe Esnault, Mythologie Personnelle

  1. Christelle Mercier

    Dire le beau tra­vail typo­gra­phique sur ce livre… son élé­gance… C’est dit !

  2. Pingback: Actualité de nos auteurs : Christophe Esnault | BLOGANOZART

  3. Pingback: MYTHOLOGIE PERSONNELLE : Un autoportrait surréaliste frappé au coin du manque - Lectures au coeur

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