Comme un arapède à son rocher : entretien avec Audrey Tabary

Audrey aime s’amuser. Mais sérieu­se­ment. Celle qui a com­mencé très jeune en tra­vaillant chez une por­trai­tiste de Mar­seille, plus tard et dans la même ville,  s’est mise à pho­to­gra­phier des incon­nus, ren­con­trés dans la rue. Elle les per­suade de poser en se prê­tant à un jeu théâ­tral ou des situa­tions para­doxales et par­fois selon ce que la morale réprouve. Néan­moins, son «éro­tisme » n’a pas pour but d’exhibe le corps nu. Il joue de l’aporie, fait appel à l’humour et l’intelligence. Le pré­da­teur est tourné en ridi­cule et la drô­le­rie se rit d’un cer­tain « bon goût ». La pru­de­rie est prise à revers et per­met au regard de s’encanailler « à l’œil ».

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
En ville, la lumière et le bruit des autres, la vie qui com­mence. A la cam­pagne, c’est le coq et les oiseaux, voir la pluie.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ça continue….

A quoi avez-vous renoncé ?
A rien, je suis tou­jours accro­chée comme un ara­pède à son rocher.

D’où venez-vous ?
De Ger­de­rest, un petit vil­lage du Sud Ouest de la France (proche du Gers). Entouré de cultures céréa­lières, de vaches et de Bois. 126 habitants.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Com­mu­ni­quer avec les autres.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Tous les jours, ça fait par­tie de mon bon­heur de vivre, il est très simple et varié. Il peut être de ren­con­trer quelqu’un, faire une bonne photo, où encore aller me bai­gner, mar­cher dans la mon­tagne, faire un bon musée, un bon repas. Je m’efforce chaque jour pour avoir une bonne idée à ce sujet. C’est mon art de vivre.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
C’est que je ne suis pas une artiste, mais une photographe.

Com­ment définiriez-vous votre approche du por­trait ?
Un por­trait est une ren­contre si la ren­contre est bonne, la photo est bonne, je com­mu­nique, et je cherche à faire oublier l’appareil pour en sai­sir le meilleur. Faire un por­trait c’est un jeu. Je m’amuse beau­coup je cherche le bon esprit et je met mon sujet en confiance.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Diane Arbus « Iden­ti­cal twins, Roselle, NJ 1967 où August San­der «Wido­wer » 1914. Je suis déso­lée il y en a 2.

Et votre pre­mière lec­ture ?
« Oui-Oui ».

Quelles musiques écoutez-vous ?
En ce moment, j’écoute beau­coup de musiques afri­caines, par exemple Solo­mon Ilori High life Nigé­riennes. Gabo Brown & Orchestre Poly-Rythmo (funk des années 70– Bénin) où encore Super Mama Djombo (Guinée-Bissau). De la musique bré­si­lienne, j’adore Mar­cos valle, jorge Ben. De la saoul, je suis fan de Mar­vin Gaye, Billy Paul, Al Green, Dony Hata­way, Cur­tis May­field. J’adore Gill Scott Heron. Dans le jazz j’aime Miles Davis, Anthony Brax­ton, Dinah Washing­ton dans l’électro Plas­tik­man, plus indus­triel, Scorn, Alec Empire. Les listes sont longues car je ne peux pas vivre sans musique.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« La Chambre Claire » de Roland Barthes

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Manon Des Sources » de Claude Berri. (Ça fait long­temps que je ne pleure plus devant les films).

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je vois Audrey et je ne sais pas quoi faire

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A per­sonne, Je me lance tou­jours. J’ai peur, mais je me dis tou­jours que ça vaut le coup.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Jéru­sa­lem. Une ville de pierres, des pèle­rins en tout genre. Toutes les reli­gions réunies sur un seul lieu. C’est unique.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Le bai­ser de Judas de Joan Font­cu­berta, sa série de photo d’animaux(la faune secrète), la série por­no­gra­phie d’Édouard Levé. Les por­trait d’August San­ders, William Eggles­ton, Pierre Mou­li­nier, Charles Pen­ne­quin, Save­rio Luca­riello, Brice Mat­thieussent et son roman « Good Vibra­tion ». Cindy Sher­man, Joël Hubaut.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un texto et la paix

Que défendez-vous ?
La terre, la liberté de cha­cun et la pro­li­fé­ra­tion des semences.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je la trouve tout à fait vraie et c’est ça qui fait l’amour.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?
C’est tout à fait moi.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Je vois pas mais si d’autres vous viennent  j’y répondrai.

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 4 octobre 2016.

 

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