Mauren Brodbeck crée un acquiescement insolite au monde qui se dérobe et qu’elle éclaircit. Dans une narration sèche, une nudité nouvelle voit le jour en divers contours. L’image retient, disperse en poussière narrative. Existe un déplacement du regard là où le miroir se trouble. La Suissesse sait qu’il n’y a de sauvagerie que dans l’énigme : c’est une question de lisière et de mur. Le ciel est un dehors sans pensée. Ou dans son inversion.
A la parure fait place la sommation. Il s’agit de corrompre l’étendue qui ne fait qu’un avec le « mur ». L’artiste préfère l’incision à la draperie. L’image est de l’autre côté de la chose commune en un acquiescement pariétal où le singulier fait le jour.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie de partager la vie et être en lien avec elle, de me connecter aux personnes qui m’entourent, aux choses, des plus petites, si riches et fortes comme un moment de tendresse avec mes enfants ou écrire, créer, ou encore goûter aux sensations, aux plaisirs, d’être en relation avec la magie de notre monde.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Quand j’étais petite, je voulais sauvez l’Amazonie. Maintenant, je veux sauver le monde. Beaucoup de sujets me tiennent vraiment à cœur, sûrement même trop, comme l’environnement et la planète, le droit des enfants et des femmes, la liberté d’expression et l’expression personnelle. Mon travail artistique traite à travers divers projets et thèmes de certains de ces sujets comme par exemple mon travail sur l’identité. En révélant l’essence des choses et en investiguant notre monde, j’espère que chacun mette le feu à la petite étincelle dans son cœur et ainsi allumer son volcan intérieur, se réveiller de ce l’automatisme de la vie qui fait qu’on ne voit plus, qu’on ne sent plus et qu’on est prêt à accepter les choses telle qu’elles sont. Certains de mes rêves ont passé à la trappe, je voulais devenir fleuriste, espion et astronaute ! D’autres, je les réalise, comme celui de chanter et de créer. Ce qui importe le plus pour moi est d’inspirer à voir l’invisible, la poésie de la vie, à trouver son propre chemin, et ainsi à respecter notre monde.
A quoi avez-vous renoncé ?
A avoir beaucoup d’enfants.
D’où venez-vous ?
De Genève
Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’attention aux merveilles de la vie quotidienne, l’inspiration dans l’art, la création, le design, let couleurs, le regard.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Mes enfants, les oiseaux, le soleil, mon mari, écrire, ma famille, créer, chanter, jouer, dessiner, lire, expérimenter, ressentir, me sentir libre, l’infini.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Peut-être le fait que je souhaite vraiment et directement me connecter aux gens à travers mon art. La création n’est pour moi que la première partie de mon travail, la deuxième étant de communiquer et de me connecter d’une manière plus intime, directe et personnelle, c’est pourquoi je fais des performances, des speechs. Je pense que l’art contemporain souffre d’autant de croyances limitées que d’autres secteurs comme la finance ou l’éducation. J’essaie de repenser les possibilités de faire éclater ces barrières en créant des projets transversaux et libres de tous conditionnements.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Probablement les peintures colorées et pop de mon père ou la fameuse photographie de J.R. Eyerman qu’il a prise lors du la première de « Bwana Devil » au cinéma Paramount Theatre à Hollywood le 26 novembre 1952. Il y a cette magie du cinéma qui m’interpelle et le côté humain qui tend à accepter comme vérité ce qu’on lui apprend.
Et votre première lecture ?
« L’éléphant aux patins à roulettes » un livre d’enfant que j’ai retrouvé il y a quelques temps. Il conte l’histoire d’un petit éléphant qui veut faire les choses différemment malgré les résistances des différents membres de sa famille !
Comment définiriez-vous votre approche “combinatoire” ?
Pour moi, c’est une sorte de création cinématographique, une chorégraphie. Je viens du cinéma et j’ai grandi dans la danse et la musique. Je travaille toujours avec la narration en tout premier. C’est une forme du collage et de mise en scène de personnages, d’histoire, de décors, de lumières, de sons… Il s’agit aussi de cacher, de simplifier, de mettre en évidence, d’amplifier, de diriger et donc de réaliser, donc de raconter quelque chose : c’est comme regarder travers un objectif et limité le regard à un certain cadrage.
Quelles musiques écoutez-vous ?
L’électro sous toutes ses formes, mais aussi du r’n’b, du hip-hop, du rock et pop rock, du jazz. En fait, j’ai un répertoire très varié. Je crée aussi ma propre musique que je n’ai pas encore qualifiée mais c’est très electro pop tendance années 80 !
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je ne relis pas mais si je devais en relire un, ce serait “Memories, Dreams, Reflections” by CG Jung.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous les films tristes ou émouvants, je suis hyper sensible.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme qui a des rêves d’enfant, une ado dans un corps d’adulte, une petite fille qui n’a jamais trop grandi, quelqu’un de très ordinaire mais d’unique, qui peut avoir beaucoup de pouvoir et et a beaucoup de faiblesses.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A personne.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Los Angeles. Cette ville est souvent perçue comme un lieu très artificiel, je la vois plutôt comme une ville hyper-authentique.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je me sens proche des artistes qui ont une approche transversale et travaillent dans plusieurs domaines de création, comme Dennis Hopper par exemple.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une surprise.
Que défendez-vous ?
La pensée hors des sentiers battus, la liberté de créer sa vie à sa manière, différemment, la tolérance, l’amour, la joie, le fun, le respect.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Une forme d’humilité.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
J’adore.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Peut-être sur quel projet je travaille actuellement ? La réponse serait que je suis en train de travailler sur une série de paysages sonores que j’ai commencés en 2014. C’est une exploration de paysages artificiels créés sur computer avec mes compositions musicales à l’aide d’un programme sur mesure qui transforme mes compositions en paysages tridimensionnels. J’explore les différentes facettes de ces paysages et prépare une performance : créer un univers en immersion et multi-sensoriel.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 13 mai 2016.