Masahisa Fukase, Hibi

Le “street-art” de Masa­hisa Fukase

A la suite de son divorce trau­ma­tique, Masa­hisa Fukase ne dort plus aux cor­neilles mais vit avec les cor­beaux. Il  a été entraîné dans une crise exis­ten­tielle qui a eu le « mérite » (sic) de méta­mor­pho­ser son tra­vail. Le cor­beau en devient l’image hyp­no­tique. La femme demeure pour­tant pré­sente mais peu à peu le pho­to­graphe se met à créer en une œuvre ter­mi­nale de 1990 à 1992, soit des images « simples » qui deviennent des den­telles oscil­lantes entre rêve et réa­lité.
Refu­sant les approches de la fin, l’«insomniaque rêveur » (Beckett) de jadis fait place l’homme obsédé par la mort et contraint d’« inven­ter » l’absence de som­meil, de dor­mir en y pen­sant. De sa dou­leur insup­por­table, il ne peut faire l’économie mais s’il l’affronte par les monstres incon­trô­lables que deviennent les cor­beaux, il capte sur l’asphalte des signes qui deviennent une étrange psy­ché sou­mise aux affres de l’angoisse et qu’il repeint de traits grossiers.

N’enten­dant pas sacri­fier aux légendes que l’inconscient pro­pose, le pho­to­graphe plonge dans les abîmes de la rue et quitte les asiles de lumière d’un ciel. Il cherche sur le bou­clier des gou­drons une sorte d’ineffable. De manière para­doxale, c’est jus­te­ment dans des esca­liers d’une rue qu’il finira suite à une chute à trou­ver la mort…
Fas­ciné par les zébrures de la matière et les graf­fi­tis qu’il uti­lise pour les sou­li­gner, Fukase rem­place la majesté du pay­sage par la peau des cités dans une apti­tude sin­gu­lière à se péné­trer des impres­sions absor­bées et trans­for­mées par l’asphalte et les signes de flammes colo­rées ajoutées.

Leurs sub­strats deviennent ins­pi­ra­teurs d’une poé­sie visuelle orien­tale qui contri­bue à une sorte de révo­lu­tion impres­sion­niste par des vibra­tions chro­ma­tiques aiguës sur sa sur­face noire et les ombres qui se portent sur elle. Le pho­to­graphe crée une œuvre para­doxale et qui échappe à tout genre codé. Mais cette série mûrit et clôt sa réflexion, inté­rio­rise ses sen­ti­ments et l’exhausse sur le plan spi­ri­tuel par la sai­sie “du plus bas”.

jean-paul gavard-perret

Masa­hisa Fukase, Hibi, Mack Edi­tions, 2016, non paginé — 50,00 €.

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