Un thriller mêlant géopolitique et manœuvres complotistes
Ce cinquième et dernier album de la série débute à New-York le 7 septembre 2001. Haddad rend visite à la famille Ben Laden, installée luxueusement. Les enfants sont seuls et les garçons s’amusent à jouer en bourse, écartant leur jeune sœur Saouda. Haddad lui fait retenir des options sur des titres d’American Airlines. Elles lui feront gagner beaucoup d’argent quand ils chuteront. En partant, il regarde longuement deux tours jumelles.
Chamza a été libérée par le Dr Fang, l’envoyé de la banque Hoyle. Ce dernier veut faire opérer la jeune femme, lui enlever la puce de la CIA qui la connecte à un réseau et lui rendre ainsi son autonomie. Puis il veut lui montrer une vidéo, un message posthume de sa mère.
À Shanghai, quelques jours plus tard, Lindsey achète un Ouragan, un robot de combat que Chuan commanderait à distance. Un premier test, dans une arène de combat est plus que prometteur. Lindsey, pour suivre la piste de Chamza, peut alors se rendre dans l’Enclave avec le robot comme ange gardien Et il en faut un car la partie semble difficile compte-tenu des individus qui fréquentent ce lieu de non-droits.
Thierry Smolderen emprunte à l’actualité brûlante pour concevoir ses fictions, utilisant des faits peu connus du grand public. Ainsi, pour Ghost Money, il se base sur l’héritage laissé : “…par le pire président que les USA aient jamais connu, sous la conduite de son âme damnée, le vice-président Dick Cheney.” Celui-ci, dont l’argent fantôme est un élément, se compose : “…des mirages et des mensonges de l’administration impériale américaine, de ses coups tordus, de ses manipulations, de ses improvisations et de ses ratages désastreux.“
A partir de cette situation où le monde a à payer les arrières de cette politique, avec les moyens du thriller et une trame presque scienfictionnesque sortie tout droit d’une déclaration d’un des principaux conseillers de Bush Jr., le scénariste ajuste le cadre de son intrigue.
Depuis le début de la série (le tome 1 est paru en 2008), Thierry Smolderen repère les grandes mouvances du monde et s’intéresse, entre autres, aux espionnages de toutes natures auxquels se livrent les USA sous couvert de lutte contre le terrorisme. Or, il en est un que les lanceurs d’alertes n’ont pas encore dénoncé, c’est celui du domaine économique. Il introduit un complot, une des ressort favori du thriller, et imagine un schéma géopolitique sur lequel repose la fortune de Chemza. Un schéma qui amène à la conception d’un réseau alternatif d’échanges baptisé par l’auteur Le Black Cloud. Celui-ci, dans la réalité, serait capable d’échapper à la surveillance dans les domaines bancaires et économiques.
Le scénariste organise ces éléments avec une virtuosité qui laisse ébahi tant la richesse et la cohérence de son scénario sont fortes. Il réalise une intrigue à la puissance narrative remarquable, conjuguant des éléments bien inquiétants à une dose légère de fiction. Et il répond à toutes les questions tout en laissant subsister quelques interrogations dont on espère trouver les réponses dans l’actualité.
Le dessin réaliste de Dominique Bertail est d’une grande efficacité pour la lecture et la compréhension d’un scénario touffu, dense. Il fait exprimer avec maestria toutes les émotions de ses personnages, et elles sont nombreuses. Il offre des décors en parfaite adéquation avec les lieux où se déroule l’action. C’est ainsi qu’il a été faire des repérages à Shanghai, Dubaï, Beyrouth. Il a passé de longs mois d’hiver à Erevan…
Ghost Money est une des séries à ne pas manquer pour tenter de comprendre quelques bribes sur le fonctionnement du monde actuel. Un must dans le genre !
serge perraud
Thierry Smolderen (scénario), Dominique Bertail (dessin et couleur), Ghost Money, t. 5 : “Le Black Cloud”, Dargaud, janvier 2016, 72 p. – 14,99 €.