Le livre de Carly Steinbrunn propose un voyage fantastique au fil du temps et des images. Ce qui a disparu et ce qui a échappé aux infirmes voyants est exhaussé dans un travail proche d’une exploration scientifique documentée d’un monde inconnu et qui est pourtant le nôtre. Des Tristes Tropiques et d’ailleurs, en croisant différents domaines de connaissance (géographie, botanique, anthropologie, zoologie), le livre revisite l’histoire de la photographie. L’artiste — à l’ombre à des travaux de Le Gray et Blossfeldt d’un côté et de Warburg et de Marcel Miracle de l’autre — interroge le miroir du médium photographique.
Les clichés d’archives que Steinbrunn exhume comme ceux (radicaux) qu’elle propose prouvent à celle qui se reproche « de ne pas regarder assez » comment le réel se fabrique par la supposée vérité de l’image. Le livre ne se veut que les prémices d’un propos qui serait monstrueux tant il peut embrasser toute l’histoire de la photographie. Ne se révèle ici - et forcément — qu’une partie du territoire des équivoques. S’y traite l’histoire « imageante » voire parfois imaginaire qui unit le médium aux altérations des éléments premiers (mer, terre, air).
Chaque fois qu’un espace (macro ou micro)est montré, l’artiste illustre comment ce réel demeure caché. C’est là un des travaux majeurs sur la puissance de vérité et de falsification photographique.
jean-paul gavard-perret
Carly Steinbrunn, Voyage of Discovery, Mack Editions, 2015, 96 p. — 30,00 € .