Quand la folie prend le volant
Au petit matin d’une journée brumeuse et pleine d’espoir pour les milliers de demandeurs d’emploi qui se sont rassemblés à la foire à l’emploi du City Center de…., l’horreur surgit tout à coup. Une Mercedes, surgie de nulle part, fonce dans la foule et fait des dizaines de victimes innocentes. On retrouve la Mercedes abandonnée plus loin et des années plus tard toujours aucune piste pour retrouver celui que l’on a funestement surnommé ‘Mr Mercedes’. Jusqu’au jour où l’officier à la retraite Hodges, qui avait enquêté sur l’affaire, reçoit un étrange courrier, revendiqué par le prétendu Mr Mercedes. Une lettre provocante, horrible par son contenu, et qui suffit à déclencher l’intérêt et la colère de Hodges, bien déterminé à mener son enquête personnelle et à peut être, enfin, mettre sous les verrous ce psychopathe.
Mais Hodges est surveillé dans son quotidien, et il ne lui est pas si facile de récolter des indices sur cette terrible affaire. Arrivera-t-il, seul, à confondre le coupable de cette tuerie ? Il trouvera sur son chemin des alliés improbables qui pourraient bien l’aider, quitte à mettre aux aussi leur vie en péril.
Depuis quelques décennies, Stephen King, nous livre avec régularité les fruits de son imagination débordante, avec plus ou moins de succès. Sa réputation dans le domaine fantastique s’est développée dans les années 80 et 90, ses ouvrages comme Carrie, Bazaar, Charlie, Jessie, Simetiere, et bien sûr Shining, pour n’en citer que quelques uns, l’ont très vite rendu “incontournable” dans le monde de l’édition. Stephen King s’est cependant un peu essouflé dans les années 2000, pour revenir en force ces derniers temps avec par exemple son ouvrage revisitant les années Kennedy, et l’assassinat du président ou la suite de Shining.
Mr Mercedes marque semble-t-il un tournant dans l’écriture de Mister King, qui nous livre ici un thriller sombre, tragique sur fonds de crise économique. Certes, le roman connaît quelques longueurs au départ mais, très vite,l’intrigue se développe en mettant en avant la psychologie complexe des personnages. Cet inspecteur de police, qui sombrait dans une retraite ennuyeuse, voit sa vie relancée par les messages provocants d’un tueur implacable, bien décidé à le narguer. L’intérêt du livre ne repose pas sur la découverte de l’identité du tueur (très vite identifié dans les premiers chapitres) mais bien dans ce duel sans merci que les deux hommes vont se livrer, sans que les autorités en aient la moindre idée. Stephen King nous livre également le portrait d’une Amérique en crise, où le chômage a rendu très difficile le quotidien de toute une classe moyenne, et où les laissés pour compte du ‘American Dream’ (qui n’a plus de rêve que le nom !) sont de plus en plus nombreux. Beaucoup n’arrivent plus à faire face, et survivent comme ils peuvent : petite ou grande délinquance, système D, espoir d’une aide sociale qui ne vient jamais. C’est donc plus qu’un thriller hors normes que nous propose ici Stephen King : une réflexion sur le présent d’Américains en proie à de nombreuses questions sur le devenir de leur société.
Les personnages secondaires sont aussi très attachants, l’humour noir de l’auteur et le franc-parler des héros font également de ce livre une vraie réussite. Un changement de genre (déjà abordé dans quelques nouvelles) très réussi, qui nous réconcilie avec un King au mieux de sa forme.
franck boussard
Stephen King, Mr Mercedes, Albin Michel, 2015, 468 p. — 21,50 €