Alexandre Dumas, La Tulipe noire

Mignonne, allons voir si la tulipe…

En 1672, Guillaume d’Orange prend le pou­voir en Hol­lande, pro­fi­tant du mas­sacre par le peuple des frères Jean et Cor­neille de Witt, accu­sés de trac­ta­tions secrètes avec la France — une émeute des « bour­geois » qui amè­nera le pla­cide Spi­noza à pla­car­der sur les murs de La Haye son célèbre “Ultimi bar­ba­ro­rum”.
Lui-même consi­déré à tort comme traître et condamné, le jeune et riche Cor­né­lius van Baerle, pas­sionné de tulipes, rêve de créer la mythique tulipe noire pour laquelle la société hor­ti­cole de Har­lem est prête à offrir 100 000 flo­rins. Sur le point de réus­sir, Cor­né­lius est dénoncé auprès du prince d’Orange par Isaac Box­tel, son voi­sin, tuli­pier rival et jaloux de sa réus­site (dont le nom évoque — hasard ? — le Hugo Boxel avec lequel le même Spi­noza échange ses Lettres sur les spectres en 1674)  : ses espoirs dis­pa­raissent avec l’arrêt de ses recherches et son empri­son­ne­ment …jusqu’à ce qu’il fasse la connais­sance et s’éprenne de Rosa Gry­phus, la jeune et jolie fille de son méchant geôlier.

Dans le style du roman à carac­tère his­to­rique qui lui est propre, même si d’aucuns recon­naissent que cet opus est à part dans son œuvre, Dumas mêle alors habi­le­ment, fort d’un style aussi brillant dans les dia­logues et les syl­lo­gismes flo­raux crypto-aristotéliciens que dans les des­crip­tions, les deux thèmes de l’amour d’un couple et de la pas­sion des fleurs, met­tant en avant les mésa­ven­tures d’un héros aux anti­podes de celui du roman de cape et d’épée.
Ainsi, hor­mis les pre­mières pages mar­quées par la vio­lence qui sied aux ten­sions poli­tiques de l’époque, il y a assez peu d’action dans ce roman qui traite sur­tout sur le long terme de la nais­sance et du déve­lop­pe­ment du sen­ti­ment amou­reux et qui donc n’a rien à voir, sauf le nom du per­son­nage prin­ci­pal, avec le film La Tulipe Noire (Christian-Jacque, 1964) où Alain Delon joue au jus­ti­cier mas­qué tel Zorro et dis­tri­bue moultes tulipes…

De la Tulipa nigra à Rosa, en pas­sant par un ton sou­vent très « fleur bleue », Alexandre Dumas prend plai­sir à tenir en haleine le lecteur-spectateur, direc­te­ment inter­pelé de façon moderne dans le texte, à dérou­ler de longues phrases avec reprises du sujet gram­ma­ti­cal ini­tial, d’où une jolie scan­sion ser­tie dans un écrin his­to­rique où la morale qui condamne toute forme d’envie et ses dérives, tant par­ti­cu­lières que géné­rales, n’est jamais lais­sée de côté.
Autant d’éléments qui concourent à faire de ce roman paru en 1850 et issu de la col­la­bo­ra­tion d’Alexandre Dumas et Auguste Maquet un grand clas­sique, riche en sus­pense et per­met­tant la décou­verte d’une période peu connue de l’histoire hollandaise.

Ecou­ter un extrait du chp 1 

fre­de­ric grolleau

Alexandre Dumas, La Tulipe noire, Le Ser­pent à plumes, juin 2006, 375 p. — 10,00 €

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Filed under Chapeau bas, En d'autres temps / En marge, Romans

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