Agnieszka Holland, Sacrifice (Burning Bush)

L’aspect cau­che­mar­desque de la vie sous un régime totalitaire

Cette mini­sé­rie tchèque basée sur des faits his­to­riques – l’immolation par le feu d’un étu­diant, Jan Palach, en 1969, en pro­tes­ta­tion contre l’invasion vio­lente de la Tché­co­slo­va­quie par les troupes du pacte de Var­so­vie, majo­ri­tai­re­ment sovié­tiques, et qui conduira, vingt ans plus tard, à la « révo­lu­tion de velours » — se déploie en trois par­tie réa­li­sées par Agnieszka Hol­land, déjà connue et accla­mée pour The Wire/Sur écoute, notam­ment.
La réa­li­sa­trice recons­ti­tue avec talent et minu­tie les mois qui suivent la mort de Jan Palach, don­nant l’impression d’un mélange de recherches his­to­riques et de sou­ve­nirs per­son­nels – il faut pré­ci­ser qu’elle est née en Pologne en 1948. Cer­tains per­son­nages sont d’ailleurs ins­pi­rés de per­sonnes réelles, alors que d’autres sont plu­tôt ce que l’on pour­rait dési­gner comme des com­po­sites ou arché­types. L’acte quasi inima­gi­nable de Jan Palach sus­cite tout d’abord une réac­tion empa­thique chez le com­mun des Tchèques, une ten­ta­tive de sou­lè­ve­ment estu­dian­tin assez vite répri­mée, et même une récu­pé­ra­tion, quitte à dis­tordre les faits, de la part de la classe poli­tique. D’autant que la rumeur court que Palach ne serait que le pre­mier d’une longue liste de poten­tielles torches humaines.
En paral­lèle, la réa­li­sa­trice nous inté­resse à la réac­tion de la famille du jeune homme – sa mère, admi­ra­ble­ment inter­pré­tée par Jaro­slava Pokorna, et son frère, tout aussi cré­dible – et à la déci­sion d’une avo­cate idéa­liste, Dag­mar Bure­sova (inter­pré­tée avec brio par Tatiana Pau­ho­fova), de les repré­sen­ter face à un poli­ti­cien en vue et devant une cour corrompue.

Le pre­mier épi­sode four­mille de per­son­nages nou­veaux à décou­vrir et recon­naître – étu­diants, poli­ciers, méde­cins, avo­cats, poli­ti­ciens et com­mer­çants — mais finit par nous empor­ter vers sa des­ti­na­tion, par se foca­li­ser sur ce qui comp­tera par la suite. Dans un uni­vers habité par le deuil et la cor­rup­tion, les petites ou grandes lâche­tés et autres mal­hon­nê­te­tés, deux figures héroïques se détachent, deux femmes : la mère de Jan – mère cou­rage et digne face à l’adversité – et l’avocate qui entre­prend, envers et contre tout, de défendre l’a priori indé­fen­dable.
En cela la réa­li­sa­trice rompt avec les codes habi­tuels de la série his­to­rique, pré­fé­rant se foca­li­ser sur le vide laissé par la dis­pa­ri­tion tra­gique du jeune Jan plu­tôt que sur les idéaux qui ont pro­vo­qué son acte. Après une scène d’ouverture par­ti­cu­liè­re­ment bru­tale et frap­pante, la série trouve son rythme et cap­ture à la per­fec­tion l’aspect cau­che­mar­desque quoique par­fois froi­de­ment iro­nique de la vie sous un régime tota­li­taire. Et l’héroïsme du quo­ti­dien.
Pour ce qui est du rendu his­to­rique, saluons le sens du détail impec­cable, depuis la garde-robe jusqu’aux choix chro­ma­tiques qui ne font qu’accentuer la gri­saille, la moro­sité et le sen­ti­ment per­ma­nent de dan­ger qui prévalent.

agathe de lastyns

Sacri­fice (Bur­ning Bush), cof­fret 2 DVD, Mont­par­nasse, avril 2014, 3x80 minutes –20,00 €

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