Nadia Gilard, Alice… ?

Nadia Gilard et l’amour fou : Alice est bien ici

Nous vou­drions dans l’amour comme ailleurs que tout soit cousu de fil blanc pour redo­rer nos for­tunes amères. Mais rien ne marche ainsi : l’artifice ne pro­duit que de la déso­la­tion. En textes inci­sifs, Nadia Gilard le rap­pelle au sein de houles secrètes et des vents forts même si tout s’affirme sur le ton d’une confi­dence qui n’a rien d’impudique ou d’égocentrique. Il s’agit juste de mettre le lec­teur en conni­vence avec le peu qu’il est lorsqu’il se prive – en bour­reau de lui-même  – de l’essentiel. Après ses poèmes d’ Amours blanches plu­tôt légères (mais pas tou­jours), avec Alice… ? et en pas­sant du poème à la prose, Nadia Gilard l’Amoureuse – à menthe jamais amère et en rien amante reli­gieuse – est man­gée par un sen­ti­ment auquel l’homme ne répond pas for­cé­ment. Elle ne le condamne pas pour autant puisqu’il reste le com­bus­tible qui brûle l’auteure comme il élève son écri­ture. Il demeure donc le para­doxal oxy­gène de l’une et de l’autre par delà les déchi­rures, la douleur.

Lors de la paru­tion de son pre­mier recueil, l’auteure pré­ci­sait  : Je n’écrirai jamais de romans. Pas­sant à la prose, elle ne ment pas vrai­ment puisque son texte, même s’il n’est pas pure­ment auto­fic­tion, ne plonge pas dans la fan­tas­ma­go­rie nar­ra­tive. Proche d’une Mar­gue­rite Duras dans sa capa­cité à dire l’indicible, l’auteure retient de l’amour la quin­tes­sence aussi cor­po­relle que « mys­tique » en effa­çant tout aspect anec­do­tique ou sexuel. Sur­git une médi­ta­tion sur l’amour où la Dul­ci­née, tel une Don Qui­chotte sans armure, par­court le champ com­plet du sen­ti­ment et sa folie.
La tête chauffe, le corps brûle : le tout est de tenir et de parier sur la blon­deur de l’absolu au sein de la dureté des nuits obs­cures face à l’indifférence mas­cu­line. Rien ne sert de se lais­ser enva­hir pour autant par la mau­vaise fièvre d’un fiel qui ne ronge que celui qui l’éprouve. Il vaut mieux faire recu­ler l’informe par une langue tout sauf bavarde. Elle se mue en chant au lyrisme retenu. Res­tent le bat­te­ment de mesure et la déme­sure des sen­sa­tions exis­ten­tielles qui rongent la créa­trice  en une suite de sus­pens, de chutes et de remon­tées qui dévoilent la pro­fon­deur exis­ten­tielle. L’écriture à fleur de peau, la chair et l’âme se mettent presque mal­gré elles à nu.

jean-paul gavard-perret

Nadia Gilard,  Alice… ? , Edi­tions des Van­neaux, 2014, Bor­deaux, 12,00 €.

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