L’impénétrabilité de l’être
Au milieu d’août 1950, Cesare Pavese se suicide dans une chambre de l’Hôtel Roma, à Turin. Il laisse un mot d’excuse, des poèmes et un journal intime, Le Métier de vivre. Pierre Adrian retrace ce dernier été. Son livre aussi romanesque que biographique approfondit le sens du journal intime.
Pavese devient ici pour l’auteur un frère par contumace aussi douloureux que drôle. C’est l’occasion au passage de rencontrer Monica Vitti et Antonioni, Calvino, des actrices américaines et aussi — voire surtout — « la fille à la peau mate », qui déambule aux côtés du narrateur sur les traces d’une ombre, dans un Piémont devenu le lieu éblouissant des retrouvailles avec l’être aimé.
Pierre Adrian crée son récit de l’Italie d’après-guerre en noir et blanc, où la littérature et la politique sont des questions de vie ou de mort, où rien n’est jamais grave mais où le tragique finit par s’inviter. « Je pardonne à tous et à tous je demande pardon. Ça va ? Pas trop de bavardages. » devient la clé de Pavese et de son histoire.
Pour Pavese, décrire exactement la poésie se rapprocha davantage de l’instinct. Il sut faire passer une idée, une émotion, un moment dans chaque poème et ce, de façon relativement concise — et Adrian le rappelle.
Existe chez lui et son modèle une singularité avec la justesse des mots et leur exactitude sans fard. Dire tout simplement de ce qui était devant Pavese ne change pas ses opinions chez Adrian. L’un, parfois, sans corrompre la beauté, confessait son impuissance, l’autre — son biographe qui aime tant à parler (dit-il)- raconte la complexité des choses étranges et multi-faces qui composèrent Pavese. Le tout pour atteindre l’impénétrabilité de l’être. Et c’est un dur chemin.
jean-paul gavard-perret
Pierre Adrian, Hotel Roma, Gallimard, collection Blanche, août 2024, 192 p. — 20,00 €.