Valère Novarina, Les personnages de la pensée
Avec sa pièce Les Personnages de la pensée, Novarina pénètre à nouveau dans notre grotte, celle des soubassements du langage pour le creuser, en explorer les galeries et dit-il « ouvrir l’espace des mots pour y découvrir des cavernes insoupçonnées. »
Selon l’auteur, nous sommes des animaux vivants dans cette grotte « et qui ne s’attendaient pas à avoir la parole ». C’est ce mystère qu’il explore dans son théâtre. Des mots s’y mettent en mouvement là où il « n’y a pas de lieu de la pensée. » Et ici les multiples personnages faits de la chair des mots parlent à eux-mêmes de ce qui n’a pas reçu de nom.
Chez Novarina, tout reste ainsi possible, probable, imminent mais sans qu’on sache ce qui va sortir, ce qui va se passer. Quelque chose avance, se précise sans qu’aucun sens ne se coagule vraiment. On ne sait pas qui parle. Demeure un bourdonnement par proliférations, scansions, attaques, excès de paroles.
Ecrire devient une relance à perpétuité dans une opérette, un opéra, une opération – entendons ouverture. Ecrire est donc d’une certaine manière nier. Et nier surtout les évidences. Il faut que “ ça ” sorte par les trous de la langue, dans cette reprise incessante contre l’absence et le vide que le langage vient combler même s’il ne se referme jamais, même s’il n’est que l’avalanche d’une pensée qui échappe au moment même où elle naît.
Ce texte reste donc un abîme du sens, la sodomie du Père et de tous les re-pères. “La chair de l’homme (pour reprendre un de ses titres) est à ce prix.
jean-paul gavard-perret
Valère Novarina, Les personnages de la pensée, P.O.L éditions, novembre 2023 ,288 p. – 18,00 €.
