Une incroyable histoire / Il y a quelqu’un dans la maison

Une incroyable histoire / Il y a quelqu’un dans la maison

Deux beaux romans qui voient des intrus investir une maison et des enfants prendre leurs responsabilités, quand les parents sont absents

Cette sélection de « Souris noire » a un petit quelque chose d’atypique. La présence de William Irish, qui fait une incursion forcément remarquée, donne à cette collection davantage d’ampleur, si tant est qu’elle en ait besoin. Bien sûr, ces livres sont anciens, janvier 2007 pour Une incroyable histoire et surtout juillet 2006 pour Il y a quelqu’un dans la maison, de Serge Quadruppani, mais ils posent tous les deux leur pierre à la grande bâtisse « Souris noire ». Comme le dit en exergue du roman de Serge Quadruppani une citation tirée des Boutiques de cannelle, de Bruno Schultz, il y a des pièces dont on a oublié l’existence et qui méritent d’être redécouvertes. C’est ce que je vous propose ici.

 

William Irish, Une incroyable histoire

Buddy aime raconter des histoires depuis qu’il fréquente assidument les salles de cinéma. Plus jamais ses parents ne le croiront. Aussi, quand il observe, de nuit, les voisins du sixième étage en train d’assassiner un marin qu’ils voulaient délester de ses deniers, et qu’il le dit à son père, ce dernier s’empresse de le punir pour avoir encore inventé une fable. Il en faut plus à Buddy qu’une porte fermée à clé pour l’empêcher de sortir. Il s’évade par la fenêtre et l’escalier de secours pour aller raconter ce qu’il a vu au commissariat. Un policier part observer les lieux du soi-disant crime et revient bredouille et énervé. Buddy rentre chez lui escorté. Dans l’escalier, il rencontre sa voisine. Son regard est éloquent. Aussi, quand il se retrouve tout seul enfermé dans sa chambre, Buddy sait que les locataires du sixième vont vouloir sa mort. Pour lui, l’angoisse ne fait que commencer. Elle augmente lorsque le faisceau d’une lampe éclaire sa pièce à travers la fenêtre et qu’il entend des murmures.

 

 

 

Serge Quadruppani, Il y a quelqu’un dans la maison

Paul garde son frère et sa sœur dans une grande maison, alors que leur mère est infirmière de nuit. Les enfants, angoissés par le moindre bruit qui émane de la demeure familiale sont aux aguets lorsqu’ils décèlent des bruits de pas dans le grenier. Malgré leur peur, ils décident d’aller y voir de plus près. Caché dans l’ombre, un homme blessé et assommé par des médicaments réclame leur aide. Paul n’a pas le temps de la réflexion que trois individus antipathiques ont investi la maison à la recherche d’un dangereux malade.
Mais Cécile et Pascal, les tout-petits, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils ont pris fait et cause pour Ronaldo et son histoire extravagante. Les trois enfants réussissent à faire sortir ces hommes patibulaires. Le temps d’aller reprendre des forces et du sucre dans la cuisine. Le temps aussi de voir revenir ces hommes persévérants avec de bien mauvaises intentions. C’est alors l’heure de la révolte rusée qui sonne.

Une incroyable histoire est de celles qui marquent l’imagination d’un enfant. William Irish est le plus grand auteur de nouvelles à suspense du XXe siècle. Ses nouvelles ont été portées à l’écran par les plus grands cinéastes du genre. La Sirène du Mississipi et La Mariée était en noir ont inspiré François Truffaut. Quant à Fenêtre sur cour, c’est bien entendu Hitchcock qui en tira un petit bijou cinématographique. Avec ce roman pour enfant, Irish étale sa classe. Le suspense est à son comble, la terreur qu’il éveille chez l’enfant aussi. La course-poursuite dans les rues et dans le tram est un modèle du genre. Quand surgit un bras pour attraper Buddy, on frissonne et c’est tout révolté que l’on s’insurge contre ces adultes qui ne veulent pas croire cet enfant – on se rappelle alors cette fable où une petite fille criait au loup à l’orée d’un village dont les habitants, lassés de se porter à son secours pour rien, cette fois ne réagissent pas quand les loups sont effectivement présents.
Dans un autre registre, Serge Quadruppani réalise un roman au mystère efficace. Paul, un enfant très intelligent et en avance sur son âge, doit faire le dur apprentissage de l’empathie et des prises de décision rapides. Ses frère et sœur sont bien plus prompts que lui à prendre fait et cause pour celui qu’ils ont mis dans la catégorie des victimes. La fin du roman est un peu tirée par les cheveux mais, étonnamment, elle est à l’identique du roman d’Irish. Car, c’est bien connu, la cavalerie arrive toujours au bon moment et au bon roman (et ces derniers peuvent se lire à partir de 10 ans).

julien vedrenne

William Irish, Une incroyable histoire (trad. de l’anglais par Maurice-Bernard Endrèbe), Syros coll. « Souris noire », janvier 2007, 128 p. – 4,90 €.
Serge Quadruppani, Il y a quelqu’un dans la maison, Syros coll. « Souris noire », juillet 2006, 128 p. – 5,90 €.

Laisser un commentaire