Richard Millet, Un sermon sur la mort

Richard Millet, Un sermon sur la mort

Richard Millet : cérémonies du chaos

Pour Richard Millet, il n’existe guère ou plus de réalité en acte, de réalité en l’être. Face à cet état des « choses », l’auteur fait l’épreuve de l’amorphie et l’inanité. Il semble habiter au sein d’un monde qui ne se rassemblera plus. L’énergie est perdue, affaiblie jusqu’à une limite extrême : elle ne peut être ni reformatrice, ni reconductrice tant son niveau est bas, est faible. Le constat sous forme de sermon en trois points est terrible. Il peut être envisagé par certains comme une errance statique dans l’indéfini, l’indéfinissable et l’expulsion de la dimension vitale de la vie. Mais il serait trop simple d’en faire abstraction, de l’effacer ou d’estimer que Millet serait victime d’un assèchement émotionnel suite à l’opprobre général lié au scandale suscité par son essai littéraire incompris sur Breivik.
L’oeuvre débouche sur une immense vision de la cohérence défaite et la décomposition d’un monde devenu « petit bout de rien » (Beckett) comme si tout devait retourner au chaos dans l’à-peine conscience d’une non-identité portée au paroxysme. Si le monde est destiné à se poursuivre, il est désormais sans écho spirituel là où des êtres n’en finissent pas de finir et dans lequel ils sont happés par l’absence à eux-mêmes.

Millet est impitoyable. Il peut être considéré tel un réactionnaire comme le furent Bloy, Cioran, Céline. C’est moins par plaisir satanique que par lucidité amère que l’auteur avance dans sa démonstration. Pas question de la réduire à une paranoïa ou une hystérie. Elle est simplement le cri d’un affligé, d’un consterné. L’extinction du sens donne au sermon (genre qu’on pensait désuet) une intensité rare. Presque vidé de sa matière classique, le genre renouvelé offre un autre royaume : celui où l’ombre règne, où elle est convoquée par l’Imaginaire. Celui-ci crée un lieu inédit dans un dernier espoir afin d’agir sur le moteur du monde pour le « pousser » à fond et voir de quoi il retourne.

jean-paul gavard-perret

Richard Millet, Un sermon sur la mort, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2015.

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