Maud Mayeras, Lux
Lux ou la lumière faite sur un passé en contre-jour
L’auteure signe un bel ouvrage dans lequel sont réunies toutes les bonnes recettes « tendances » qui peuvent en faire un thriller à succès. Les chapitres sont courts et calibrés. Ils distillent, au bon moment, ce qui doit être dit et su pour que jamais l’intrigue ne s’essouffle. Cette dernière s’en trouve dynamisée et, tout au long du roman, offre des rebondissements bien menés qui, à plusieurs reprises, font évoluer l’histoire et les personnages sous des angles nouveaux.
Pour les lecteurs qui tendent à la naïveté, ces rebondissements seront des redécouvertes qui noirciront toujours un peu plus le tableau final. Pour les lecteurs plus aguerris, ces rebondissements seront parfois prévisibles mais ne manqueront jamais de logique ; celle qui vous conduit à oublier les fins véritablement heureuses, quels que soient les chemins empruntés.
La plume est percutante et efficace. Elle colle à la peau, comme un bon « page-turner », parce qu’on a envie de savoir. Elle vous balade, dans une certaine forme de nostalgie et même, de poésie. Elle vous guillotine, lorsqu’elle fait tomber, sans ambages ni longueurs superflus, des vérités auxquelles on ne s’attendait pas toujours. Elle vous interroge, en arrière-plan et sans lourdeur, sur l’amour irrationnel, la névrose, la vengeance, l’endoctrinement.
Parce que, précisément, l’ouvrage prend naissance dans une histoire d’amour contrariée, entre personnages décalés et tourmentés (au point de tutoyer la folie) auxquels on s’attache ou que l’on rejette ; histoire qui plongera ces derniers dans une névrose qui les mènera, au bout du compte, sur les chemins de la vengeance et de l’endoctrinement.
Le tout, dans un décor exotique – l’Australie profonde – sec et étouffant (sauf lorsque l’eau envahit tout), coloré à en devenir criard (sauf lorsque la nuit tombe sur les contre-vérités qui construisent et animent les personnages) et poussiéreux. En bref : une auteure qui se confirme avec talent ; un troisième roman réussi ; la promesse probable d’un bel avenir éditorial.
20 ans qu’Antoine n’a pas remis les pieds à Ceduna, petite ville côtière d’Australie méridionale dans laquelle il a passé un courte période de son adolescence. Il y a connu un petit moment d’insouciance, alors que sa mère se mourrait d’un cancer. Il y a découvert l’amour, étrange et bicéphale. Il y a vécu un drame, qu’il est incapable d’oublier. Lorsque sa mère décède, il est rapatrié en France. Mais son esprit reste marqué à tout jamais par ce qu’il croit avoir perdu à Ceduna.
Naît alors en lui un désir de vengeance, contre ceux qui lui ont ôté ce qui a fait battre son cœur plus fort. Et 20 ans durant, il fomente et pense au moment où il remettra les pieds dans ce trou perdu, pour se venger. Mais rien ne sera ni se passera comme il l’avait pensé. Car le passé n’est pas celui qu’il croyait connaître. Et il se retrouvera emporté, au sens propre comme au sens figuré, par une vague qu’il n’avait jamais pu imaginer.
« Plaisirs »
On aborde l’histoire comme on regarderait à travers le trou d’une serrure. On y découvre, avec intérêt et avidité, le passé et le présent d’une petite poignée de personnages que la vie bouscule, dans un environnement relativement peu accueillant. Mais l’intrigue ne livre ses mystères qu’au compte-gouttes. On comprend rapidement ce qu’Antoine prépare, mais les circonstances et les origines de ses motivations restent floues, parce que son passé et celui de ceux qui l’entourent (Hunter, Lark) nous sont contés simultanément. Avec quelques idées préconçues, on se laisse embarquer parce que l’on sait que, à un moment ou un autre, le passé expliquera le présent et laissera transpirer l’avenir.
Lorsque ce passé commence à livrer ses secrets, on traverse la serrure et on pénètre une sombre dimension de la réalité, que l’on croit alors maitriser. Tenants et aboutissants semblent ainsi s’inscrire dans une logique prédéfinie et implacable. Mais les pages défilent et le décor change encore. Il s’enlaidit à chaque fois un peu plus. Lux est la lumière faite sur un passé en contre-jour. Celle, aussi, qui se meurt sur les illusions d’Antoine, qui le (re)découvre. Et le plaisir de cette réécriture est bien réel.
« Regrets »
On regrettera de ne pas avoir davantage cheminé sur le destin et la psychologie d’Antoine, d’Hunter ou de Lark. Leur histoire n’est pas assez contée et on a quelques difficultés à intérioriser leurs névroses, à les rendre palpables, à y trouver un écho pour justifier (et comprendre) leur choix, leur évolution ou leur destinée. Plutôt qu’une photographie, une narration plus étalée aurait été appréciable.
On regrettera également que la Réserve (dont on taira ici ce qu’elle représente, pour ne pas déflorer le sujet) soit trop simplement amenée.
« Reproches »
On reprochera peut-être à l’ouvrage d’aligner, avec un peu trop de constance et de méthode, toutes les bonnes recettes précitées. On cherche ces petits suppléments, ces défauts, ces sorties de route dans lesquels un auteur doit se projeter et se perdre pour construire sa patte. On doit trouver ce qui le distingue.
Enfin, le cataclysme naturel que les personnages vont traverser peut paraître superflu. Pendant quelques pages, il distend le fil de l’intrigue et ne s’inscrit dans celle-ci qu’avec une logique ténue.
darren bryte
Maud Mayeras, LUX, Anne Carrière, 06 octobre 2016, 280 p. – 21,00 €