Manuel Daull, Sans maintenant

Manuel Daull, Sans maintenant

Le seul maître

Il existe une tonalité spécifique à l’œuvre de Manuel Daull. Et un temps non pulsé d’un éternel présent sans présent. Et d’une certaine façon, sans passé et si peu d’avenir. Tout s’y construit à l’ombre (ou la lumière grise) de Beckett, entre ce qui est subi et consenti mais qui permet au discours de se poursuivre.
A travers ses textes – et celui ci en particulier -, l’auteur rend une sorte d’hommage au seul maître qui suggère la précarité, non de la vie mais de l’existence, à travers un murmure qui suggère la précarité du langage dans une sorte de piétinement sourd.

La musique de Sans maintenant impose des variations étranges sur le temps. Pour en donner la synthèse, on peut paraphraser l’ultime texte de Beckett écrit le 29 septembre 1988 :
« folie que de vivre quoi-
croire vivre
vouloir croire vivre
loin là-bas à peine quoi »,
au moment où le présent est entraîné vers son abolition, le vide, le silence.

La musique de Daull est elle-même calcinée par le silence et le déchirement de tout ce qui gâche l’espace. Dans cette fréquence paradoxale, il n’existe même plus l’écartèlement entre un désir et ses transpositions phrastiques. Il ne subsiste qu’une absence. Et le lecteur lui-même, tel un petit enfant, ne sait rien de ses désirs tant il se retrouve perdu dans une musique qui n’a pas d’échos connus. Sans maintenant n’est pourtant ni un piège ni un miroir mais une pure errance, une glissade.
C’est là l’originalité de l’imaginaire de Manuel Daull pour suggérer l’engloutissement qui est aussi une émergence. On peut appeler cela « la musique de chambre ». Cette dernière est plus un lieu d’attente plus que celui des désirs, au moment où le texte se développe selon une croissance rhizomatique. Elle permet de penser l’influence majeure de Beckett sur la littérature d’aujourd’hui..

jean-paul gavard-perret

Manuel Daull,  Sans maintenant, Editions Dernier Télégramme, 2016, 128 p. – 13,00 €.

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