La Grande Sophie, Tous les jours, Suzanne
Circonstances
La Grande Sophie s’adresse à « Suzanne », titre d’une de ses chansons de « La place du fantôme ». Elle n’est pas seulement un esprit errant mais sa semblable, sa sœur. « Suzanne, m’a fait du bien comme les mots font du bien. Alors je prends le temps, je vais m’y tenir, c’est une promesse que je nous fais. Ce n’est pas un matin comme les autres, c’est un choix, encore un. Je t’écris, ça me sauve, c’est déjà ça. », écrit celle qui, par elle, en une centaine de lettres, lui raconte sa détermination de fille de militants qui se rêvait en Catherine Deneuve version Peau d’âne, avec une robe couleur du temps.
Mais plus qu’un autoportrait d’artiste, ce livre est un accès privilégié aux coulisses d’une vie de femme en quête d’une place dans le monde. Elle écrit pour ne pas oublier : les Dr. Martens de ma mère, Thionville où elle naquit, le Sud où elle a grandi. Mais aussi son amoureux Bob, son « Bob mon amour », son premier Olympia, Françoise Hardy et Sylvie Vartan pour lesquelles elle écrivit des chansons. Son âge aussi pour celle qui est devenue « celle que je voulais être, la première femme de ma famille à choisir ». Elle écrit aussi ses rêves, ses désillusions, son existence au nom d’un tel fantôme qui reste là tous les jours.
La vie accorde des accrocs, un tel échec et des réussites. Le compte y est. La Grande Sophie s’enchaîne à des chimères, fornique avec la vie avec des sauts dans l’inconnu et la marche sur une route comme l’appel du large en funambule et poète. Elle continue à découvrir la dure loi de l’amour comme du travail, prenant son luth entre ses mains pour se lancer à corps et âme perdus tout en demandant de l’émotion algébrique renforcée par une écriture poétique cousue à des maillons de transcendance. Elle crée en femme Hercule aux épaules métaphoriques en s’alignant plus sur des oiseaux de proie que ceux de paille.
jean-paul gavard-perret
La Grande Sophie, Tous les jours, Suzanne, Phébus, 2025, 240 p. – 20,00 €.