Klaartje de Zwarte-Walvisch, …Et tout s’effondre (Journal du camp de Vught)

Klaartje de Zwarte-Walvisch, …Et tout s’effondre (Journal du camp de Vught)

Dans sa clarté, le journal porte le temps du monde

Ecrit à l’horizon d’un temps compté qui devient trou noir,  …Et tout s’effondre  est un livre – forcément – terrible même s’il se refuse à tout pathos. Il reste celui de l’annonce des crimes qui se fomentent parfois dans l’hypocrisie la plus totale comme si les bourreaux avaient honte (du moins certains d’entre eux) de ce qu’ils trament.
Le camp dans lequel les descendants d’Abraham sont confinés devient le vestibule de l’anéantissement programmé. Envoyée du camp néerlandais de Vught (où seront détenus 12000 juifs) à Sobibor, Klaartje de Zwarte-Walvisch y sera assassinée presque à son arrivée. Mais ce sont d’abord les enfants du camp qui sont envoyés en Pologne. La simple couturière dont on ignore à peu près tout en dehors de quelques photographies et de son journal décrit – entre autres – cet événement qui fait trembler d’effroi tout le camp : « Nous ne pouvions le concevoir. S’est-il jamais passé une chose pareille dans le monde ? Qu’est-ce que cela signifiait ? ». L’auteur connaît déjà la réponse que les nazis travestissent avant l’embarquement final.

C’est dans le terrible lieu du camp que l’auteur a écrit l’ignoble amoncellement du chaos au moment crucial du meurtre impensable, arme absolue de ceux qui parfois se réclamaient d’Hegel (comme de l’autre côté on se réclamait de Marx). L’histoire de la Shoah est répercutée dans ce texte direct, impitoyablement lucide. Le destin déjà inscrit est saisi, tracé, dévisagé, envisagé avec une précision croissante au fil des jours. Ce n’est là sans doute pas ce qu’on nomme un livre de plage. Il est pourtant de ceux qui devrait se lire d’urgence. Il augmente la perception de l’inimaginable sur lequel l’être humain ne peut que revenir buter sans cesse. Dans sa clarté, le journal porte le temps du monde.

jean-paul gavard-perret

Klaartje de Zwarte-Walvisch, …Et tout s’effondre  (Journal du camp de Vught), Editions Notes de nuit, Paris,2016,  182 p. – 18,00 €.

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