Joël Vernet, L’oubli est une tache dans le ciel
« Franchir le seuil n’est pas un abandon. Je sais la table étroite au bord de la fenêtre. Je reviendrai au soir, certain de déposer là des brassées de lumière, des brins de joie et de mélancolie » écrit Joël Vernet. Et d’ajouter que c’est « ce qui enchante et attriste. On ne peut avoir l’un tout en rejetant l’autre. »
Au fil de déambulations – parfois loin, parfois proches -, l’auteur développe une oeuvre singulière. Le tracé de tels déplacements courbe l’espace dans une distorsion sinueuse qui le conteste sans pour autant pouvoir exister sans lui.
Cette distorsion est comme l’anamorphose d’un Autre, invisible, qui ne saurait se figurer que par cette courbure dans l’ordonnancement symbolique des abscisses et des ordonnées de tout lieu. L’auteur s’y sent altier sur son chemin, « mais jamais solitaire ».
Même s’il entend ainsi toutes les paroles du monde, il ne se laisse pas distraire par de telles pacotilles : « Rien, de cette effervescence, ne m’attire. » précise-t-il. Il préfère ce qui embrase sa mémoire non dans un effet de nostalgie mais pour un avenir.
Ce texte dit de l’oubli tapisse en clartés vagues d’illisibles lumières. Un savoir dont on n’a pas idée ceinture le souffle de l’époumoné qui nous fait témoin de son nouveau tour de sa solitude comme on dirait remplir les ronds de paresse obstinée des paroles qui s’écoutent en apnée dans le fond de fragments de toutes sortes « qui sont des épopées, des visages d’hier et de demain, des voix à la gravité profonde ».
L‘auteur écrit ainsi pour faire surgir à la vie inattendue tandis qu’il chemine sous la lumière d’un soleil qui met le feu aux pierres d’une muette qui semble boire la chaleur en attendant la rencontre du promeneur obstiné dont le souffle est la poésie même.
jean-paul gavard-perret
Joël Vernet, L’oubli est une tache dans le ciel, Illustrations de Joël Leick, Fata Morgana Editions, Fontfroide le Haut, 2020, 80 p.