Jean-Paul Gavard-Perret, La chambre obscure

Jean-Paul Gavard-Perret, La chambre obscure

Jean-Paul Gavard-Perret  se livre et se délivre dans des textes aux métaphores qui nécessitent – le premier moment de surprise passé – une profonde réflexion.  Pour lui, la littérature, c’est la découverte de Samuel Beckett. « Trouver une forme qui accommode le désordre, telle est aujourd’hui la tâche de l’artiste », disait le dramaturge Irlandais . Jean-Paul Gavard-Perret l’a pris au mot. Mais il serait trop réducteur de ne parler que de littérature et d’oublier l’image. La Photographie permet à cet auteur de s’évader dans un univers de phantasmes, comme dans un immense kaléidoscope. La vraie vie est dans ces rectangles de papier, figée pour toujours et offerte à notre regard excité ou terrorisé. Pour Gavard-Perret, la Photographie dans sa quintessence statique est la littérature du regard,

Dans son livre, il précise combien – se frayant des chemins à travers des formes dites savantes ou purement discursives jusqu’à des formes simples – la photographie a toujours quelque chose de différent à montrer. Chez les photographes présent(e)s dans ce livre, le « déjà » vu disparaît. Ces créateurs ne se contentent pas de simples variations sur la répétition des découvertes du début de la photographie. Supplément d’image d’un côté, supplément de réalité  de l’autre, ils prouvent que l’imagination n’est pas morte.

Néanmoins, il est de bon ton actuellement de faire comme si tout en elle allait de soi et comme si les règles en vogue étaient parfaitement connues et admises. Il n’en demeure pas moins que, dans toutes ces options fortement enveloppées de technicité, on oublie que la photographie n’est pas un objet sans aspérité ni surprises et ne peut se prêter à toutes les manipulations.

La photographie placée du côté du faire et de l’étude est une pratique qui, avec le temps et ses « progress », ne se suffit pas d’une syntaxe à la Vaugelas. En effet, dans le domaine des images elle évolue. Si bien qu’au grammairien il faut préférer un Grévisse qui peut suivre des contraintes mais sans s’y plier tant, dans l’activité ambiguë du 8ème art, divers champs se croisent – social, politique, économique, etc. 

Mais les marques de son débordement poussent parfois son langage dans ses retranchements en rappelant ce qui arrive ici :  la vision photographique n’est pas là pour décliner du réel mais le métamorphoser. Contrairement à Roland Barthes s’appuyant sur ses expériences perceptives pour différentier la photographie des autres images, Jean-Paul Gavard-Perret s’éloigne à dessein de la distinction que l’auteur de « La chambre claire » élabore –  entre le « studium », qui réfère à un contenu référentiel donné, et le « punctum », qui renvoie à la perception d’un détail.
Pour l’auteur de ce nouvel essai, l’image photographique dévoile une valeur spatiale et esthétique bien plus qu’une temporalité et une attestation du réel. Et il en va de même, au gré de la valeur, des tonalités entre l’ombre et la lumière. Bref entre la perspective de Barthes et ce livre existent deux chambres à part. L’une en plein jour, l’autre avec une lampe de chevet.

Jean-Paul Gavard-Perret, La chambre obscure, Editions Douro, 2025, 112 p. – 13,00 €.

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