Jean-Claude Bélégou, 50 années à l’œuvre
Voici comment Jean-Claude Bélégou baptise son entrée en photographie : « En 1968, à quinze ans, c’est dans une Maison de Jeunes que je découvre fasciné la passion de la chambre noire. J’y suis seul, j’oublie l’heure et tout le monde a oublié que j’étais là, il est plus de minuit, je sors par une issue de secours, il me faut faire plus de dix kilomètres pour rentrer, avec mon sac pesant de bidons de révélateur et de fixateur, à pieds chez mes parents, qui sont aux quatre-cents coups évidemment. Je me désintéresse désormais royalement du lycée, s’y mêle mon tempérament frondeur et ma révolte adolescente, je fréquente les étudiants des Beaux-Arts. J’équipe en 69 mon premier laboratoire dans la salle de bain familiale… »
Depuis, l’auteur n’a cessé d’étonner : autant par ses portraits intimes de nus, ses paysages champêtres et industriels en passant d’une esthétique sophistiquée à un naturalisme poétique très original. Dans ses nus, le photographe ignore la chasteté sans pour autant que la lubricité ne s’empare de l’image. Nulle « souillure » mais le respect, l’abandon, une délivrance en rien obscène ou obséquieuse. Le corps devient pratiquement une cosa mentale mais va bien au-delà.
Emergent l’expression quasi « morale » de l’âme et l’émanation d’une forme de disposition psychique à l’instant du partage. Bélégou est un des rares photographes à présenter l’invisible dans le visible au sein de l’hospitalité mutuelle de l’amour.
Existe dans son œuvre une continuité entre études et humanités mais aussi entre les éléments naturels et les morphologies : la peau, la lumière, l’humain, les académies, la diversité des anatomies et des lieux sont là. Et tout en revenant aux choses du quotidien – car notre réalité est ainsi faite de ce qui nous est proche et les horizons lointains ne sont rien d’autre que des miroirs aux alouettes –, Bélégou ne s’est jamais limitée aux apparences. Sans jamais tomber dans l’invraisemblance.
Reste un mélange de caresses et de réseaux. L’angoisse peut s’étendre. Mais la jouissance tout autant. Il ne s’agit pas d’exposer la dépouille du corps mais sa disponibilité de vie. Elle est toujours là dans son mystère et son secret.
jean-paul gavard-perret
Jean-Claude Bélégou, 50 années à l’œuvre, http://www.belegou.org/