Jacky Schwartzmann & Sylvain Vallée, Habemus Bastard – t.02 : « Un cœur sous une soutane »

Jacky Schwartzmann & Sylvain Vallée, Habemus Bastard – t.02 : « Un cœur sous une soutane »

Un polar bien original 

À la suite de circonstances tragiques, Lucien s’est retrouvé en cavale et obligé de prendre la place du nouveau curé à Saint-Claude, dans le Jura.

Le second tome s’ouvre sur le souvenir d’un braquage vieux de trente ans à Lyon. José, le gitan qui conduisait le véhicule n’obtient qu’une demi-part du butin. Sa vengeance est violente. Quand les circonstances de celle-ci sont enfin révélées, c’est une cascade de réactions. Et elles débutent chez Jean-Pierre, le frère de Gaétan exécuté par José.
Lucien, à Saint-Claude, a une pratique bien personnelle du baptême, mais son humour décalé ne dérange pas les fidèles. Parmi ceux-ci une belle femme s’attache à l’homme que dissimule la soutane.
Le trafic de drogue qu’il a monté avec le jeune Renaud fonctionne fort mais ce dernier voudrait profiter de l’argent gagné. Lucien trouve qu’il parle trop, à trop de monde. Or, le pire est à venir quand le passé récent du faux prêtre revient en force…

Le choix du cadre, cette cité du département du Jura célèbre pour ses articles pour fumeurs et ses diamants synthétiques, est particulièrement avisé. Il offre aux auteurs de belles possibilités tant graphiques que scénaristiques. Et Jacky Schwartzmann excelle dans le genre où se mêlent une ambiance sombre et un humour noir à souhait tant au premier qu’au second degré.
En prenant pour personnage principal un truand en cavale amené à officier comme curé d’une paroisse, il fait le plein de réflexions, de remarques décalées, de sentences d’une belle tonicité. Il conçoit, ainsi, une intrigue subtile où s’entremêlent tous les ingrédients d’un bon polar, multipliant les règlements de comptes sanglants menés par de truands bien patibulaires jusqu’à une véritable bataille rangée.
L’emploi d’Habemus se fait avec papam pour signifier Nous avons un pape, phrase prononcée par le cardinal protodiacre à l’issue d’un conclave. Le scénariste s’amuse à la transformer en Nous avons un bastard qui peut s’entendre comme un bâtard, un salopard.

Le travail graphique d’adaptation, de mise en scène et le dessin relèvent du talent de Sylvain Vallée. Celui-ci réussit une mise en page magnifique avec nombre de protagonistes tout en rondeurs mais tout aussi teigneux que les autres. Il propose une galerie étoffée de personnages avec une belle transcription, donnant à chacun une expressivité et une gestuelle tout à fait adaptées aux circonstances. Ses angles de vues donnent une dimension forte à nombre de scènes.
C’est Elvire de Cock qui assure la mise en couleurs avec une belle efficacité, ces planches faisant ressentir, par leur tonalité, l’hiver en montagne.

Ce diptyque est très singulier tant pour son intrigue, son traitement scénaristique, ses dialogues percutants, ses situations ambiguës que pour ce graphisme précieux. Il faut formuler des vœux pour que la collaboration entre ces trois créateurs perdure.

serge perraud

Jacky Schwartzmann (scénario), Sylvain Vallée (adaptation, mise en scène et dessin) & Elvire de Cock (couleurs), Habemus Bastard – t.02 : Un cœur sous une soutane, Dargaud, octobre 2024, 84 p. – 21,00 €.

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