Helena Belzer & Véronique Bergen, Avant, pendant et après
Véronique Bergen ose se laisser aller ici à un lyrisme particulier pour évoquer tout ce qu’elle ressent face au travail d’Helena Belzer. Ce lyrisme n’est pas conçu de folles envolées mais accorde des points d’ancrage au cours, à l’avancée et à la puissance de cette oeuvre.
Chez elle, « rien ne se ferme / rien ne se clôt » mais se recrée loin des modèles afin, et entre autres, de suggérer le vif d’une pression et d’une oppression sur les femmes que l’artiste comme l’auteure dénoncent en « vestales du langage ». Elles crient à leur manière le nom d’Antigone.
Elles donnent aux mères mortes et loin de toute mondanité une nouvelle lumière là où, d’une certaine manière, des « amours se félinent » et où, en leur écho, du langage plastique et d’un autre poétique surgissent les « extases de lumière / (qui) zèbrent nos cieux noir. »
Véronique Bergen a donc su trouver dans l’abstraction de Helena Belzer la Voie et sa voix. Elle y a découvert diverses cartes astrales mais aussi physiques où apparaissent » zodiaque des êtres en apesanteur / ligne verte de la lune folle / ligne mauve de Vénus (…) orgasmes du triangle pubien dansant sur sa pointe / dans un champ stellaire / bleu / comme la fleur de Novalis. »
Elle décrit au plus juste ce qu’elle-même propose en repons aux » glyphes étrangers à l’alphabet » de l’artiste et sa peinture dont, des masses sombres, surgissent des formes inconnues. D’où des images sourdes – l’adjectif est important. Leurs créations induites par abstraction, lisières, rythmiques, « paysages » permettent de toucher à l’imperceptible. Il n’est plus ici un vacuum mais un plein conçu en diverses cartographies.
Bergen les précise par ce que Helena Belzer lui affirme : « sans moi dit-elle / il n’y aurait rien que le rien / ni formes ni couleurs / pas de dialogue entre le même et le même / entre l’identique et le différent / entre la goutte de pluie et l’hirondelle ». C’est pourquoi celle-ci reste l’infatigable officiante.
L’auteure trouve les mots pour l’évoquer, en une exceptionnelle convergence. Elle capte le geste pictural de cette oeuvre dont les fils se tendent depuis un passé chargé d’inconnu pour rejoindre dans le présent des projections de l’imaginaire. Et ce, en vue de conquêtes dépassant, entre ascèse et ivresse, ce qui s’inscrit dans le circonstanciel.
jean-paul gavard-perret
Helena Belzer & Véronique Bergen, Avant, pendant et après, La Lettre volée, Bruxelles, 2023, 198 p.
