Françoise Chaloin, Hautement épique

Françoise Chaloin, Hautement épique

Usage minimum du bon chaloir

Epique, le texte se veut émanation, explosion mais il demeure pétomane. Car la lutte incessante contre l’asphyxie des langues que l’usage communautaire pollue n’explique en rien comment devrait souffler le souffle. L’auteure veut pourtant engager une course de vitesse contre la fermeture stabilisée des significations. Du moins celles qui ne donnent du monde que des chromos. Mais son texte manque d’inspiration. La résistance à la coagulation de la forme et du sens tombe en un bégaiement systématique et une suite de mouvements syllabiques corpusculaires
Certes, l’essai est pavé de bonnes intentions et il y a loin de lui aux inepties du philosophe médiatique de l’université populaire de Caen. Néanmoins, dans la façon démonstrative d’exposer les enjeux de la pensée ne se perçoit jamais son creusement. Le texte reste une bonne musique mais, et pour reprendre la formule de Lacan, « Là où ça parle, ça jouit, et ça ne sait rien », l’auteure n’en dit pas plus.

Le texte croupit, mélancolique, sur l’incapacité des logos à symboliser l’expérience qu’on se fait des choses et de la vie. Françoise Chaloin – de l’histoire de l’être tissé de barbarie, ouvert à perte pied sur la rumeur de l’inconscient, pulvérisé par la débâcle des corps et des choses dans le temps – ne dit pas grand chose sinon que bien des textes ne font que de composer avec.
Au lieu de faire parler ce fond sans fond, elle préfère en appeler à une morale pas vraiment hédoniste – voire un tant soit peu masochiste et puritaine. Exit le gai savoir lucide et donc un peu cruel. Tout reste de l’ordre de la diatribe convenue. Hors le fait néanmoins qu’elle pousse du pied les philosophes et les écrivains qui pondent des livres comme le pommier pond ses pommes et qui font de leur désespoir une sagesse.

Françoise Chaloin résiste à l’euphorie du liant unanime qui colore bien souvent le discours littéraire et philosophique. Mais il n’existe dans son texte aucun réel défi. Tout tourne autour de l’archéologie du fugace de la pensée sporadique. Pas question de faire tourner des formes et la tête aux artifices rhétoriques en créant d’autres artifices décalés et opposés aux rituels constitutifs du sens.
Le livre est de l’ordre du constat au sein de brumes chatoyantes plus que de lumière crue.

jean-paul gavard-perret

Françoise Chaloin,  Hautement épique, Editions Sitaudis, Vallauris, 2016.

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