Erik Larson, Un rêve de feu

Erik Larson, Un rêve de feu

Dans ce nouveau livre, Erik Larson raconte, avec toute la rigueur qu’on lui connaît, les quelques cinq mois qui ont précédé la guerre de Sécession, un conflit qui fit 750 000 morts. Quand on compare ce chiffre à la population existante à l’époque, sur les lieux, cela représente un pourcentage conséquent.

Le livre commence le 12 avril 1861 quand trois officiers caroliniens, partis de Charleston, arrivent au fort Sumter où une garnison états-unienne est affamée. Ils veulent un départ rapide. Le major Robert Anderson, qui commande la garnison, répond qu’ils évacueront la place sous trois jours. Un convoi maritime, envoyé par Lincoln, chargé de ravitaillement, fait route. Il devrait arriver assez vite. C’est le général Beauregard qui impose un ultimatum. Ils ont une heure pour quitter les lieux avant que les canons confédérés tonnent. Il est 3h20. À 4h30, le mortier du fort Johnson donne le signal et c’est depuis l’île Morris que partent les premiers boulets explosifs. C’est le début d’une guerre qui va durer quatre ans presque jour pour jour.
Puis le romancier s’intéresse aux différents événements qui ont amené à cette situation catastrophique. Il débute son récit le 6 novembre 1860, jour de l’élection d’Abraham Lincoln à la présidence des États-Unis. Mais le mouvement abolitionniste a vu le jour depuis longtemps. Il prend de l’essor ces dernières années nourri, par exemple, par la publication, en feuilleton d’abord dans le National Era, le 5 juin 1851 du chapitre inaugural de La Case de l’oncle Tom. Cette parution déclenche une réaction immédiate et cinglante dans le Sud. La fracture entre les États, entre les populations du Nord et celles du Sud, de ces planteurs qui vivent de l’esclavage, s’accentue très vite après l’élection. En cinq mois, le pays bascule vers la guerre civile.

Erik Larson explore ces quelques mois, pointant la montée des extrémismes, les divisions idéologiques profondes et une démocratie chancelante. L’esclavage est au cœur de tous les débats, mais le livre explique que les fractures sont aussi familiales, sociales et culturelles, rendant ainsi le conflit inévitable. Avec une profusion de détails sur les positions des principaux intervenants, sur les opinions qui sont véhiculées dans les populations, sur la manière dont certains font monter la haine, c’est la description de l’inexorable montée vers le conflit.
Quatre grandes parties structurent ce livre. L’élection de Lincoln, point de départ du récit, matérialise les peurs du Sud et marque le début d’une focalisation accélérée. C’est alors la montée des tensions. L’auteur décrit une société où les discussions deviennent impossibles, les positions se radicalisent, et les institutions peinent à contenir la colère. Puis interviennent les trahisons et les fanatismes. Le récit montre comment les idéaux démocratiques sont mis à mal par la peur, les manipulations politiques et les ambitions personnelles de quelques-uns. Le livre s’achève sur l’entrée dans le conflit, où une nation brisée confronte son nouveau président à l’une des plus grandes menaces de l’histoire des États-Unis.
Défilent alors les acteurs de ce drame. D’abord Lincoln, sa volonté humaniste, sa lucidité face aux événements mais son impuissance à pouvoir les canaliser, trouver un consensus qui permette d’éviter un tel conflit. Erik Larsen fait vivre tous les membres du gouvernement et les grandes figures qui ont pris une part importante dans les événements. Grace à une documentation exhaustive, il donne également la parole aux gens du peuple, aux voix anonymes montrant comment ces tensions politiques ont influé sur les relations personnelles, les couples.

L’auteur mêle rigueur historique et narration immersive, donnant une fresque politique et humaine d’une rare intensité. Il propose une réflexion sur les fragilités des démocraties modernes face aux extrémistes, un état de fait d’une grande actualité.

Erik Larson, Un rêve de feu (The Demon of Unrest), traduit de l’anglais (États-Unis) par Hubert Tézenas, Le cherche midi, août 2025, 720 p. – 26,50 €.

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