Denis Moncho, Vivre pour vivre

Denis Moncho, Vivre pour vivre

L’âme du fond

Il est des œuvres limites qui poussent la poésie proche de la non-poésie et l’être près du non-être mais sans franchir la frontière où tout ne serait que chaos. Le superbe livre Vivre pour vivre de Denis Moncho le prouve. Voici un texte rare où ce qui pourrait sembler des brèves de comptoir se transforme en parabole constituée de quatrains bourrés d’humour et d’affect :
« D’Ormesson est au Panthéon / C’est pour lui comme pour Napoléon / D’Ormesson était issu de la bourgeoisie / D’Ormesson ne faisait pas dans la fantaisie »
ou encore : « Johnny chantait J’ai oublié de vivre / Johnny chantait Je suis content de vivre / Johnny chantait Vive le twist / Johnny chantait Vive le Christ»

Le presque rien devient le presque tout en des soliloques, des gouffres loin des parades et déambulations de l’identité. L’intimité se crée grâce à  l’objectivation, et la complexité passe par l’apparente absence de complexité. Tout s’épure sans rejeter la part d’ombre dans une gambade de l’imaginaire sur le marbre des vivants comme des morts.
L’émotion est totale là où la pudeur et l’ironie la cachent. Le poète élimine le concept au profit de variables intérieures. Elles construisent de nouvelles fonctions et de nouveaux champs qui rendent la poésie « classique » inutile et inadéquate.

La situation de la poésie ne se distingue plus et paradoxalement de celle de la philosophie au moment où la première semble la plus humble. Surgit un état limite de l’écriture : elle est prête à basculer vers son dehors. Mais nous restons en plein dedans.

jean-paul gavard-perret

Denis Moncho,  Vivre pour vivre, Editions Libre Label, Bordeaux, 2018, 48 p.

One thought on “Denis Moncho, Vivre pour vivre

Laisser un commentaire