Dado, Portrait en fragments
Ce livre offre un panorama de l’univers baroque de Dado (1933–2010). Originaire du Montenegro, il fut découvert par Daniel Cordier et Jean Dubuffet dès son arrivée en France en 1956. Organisé autour de thématiques essentielles du peintre, ce corpus a été conçu par sa fille (Amarante Szidon) à partir d’enregistrements, pour la plupart inédits, réalisés en 1981 et 1988 par Christian Derouet.
Sa peinture torturée est faite pour révéler la vie et la mort selon un chemin d’abord inconscient grâce à sa mère qui l’avait toujours poussé à dessiner et par son oncle qui – peintre d’arte povera – était venu à Paris « déblayer un peu le terrain pour mon arrivée trente ou quarante ans plus tard. »
Fantasque, cet oncle fut son vrai père « parce que mon père, c’était le play-boy et l’histoire de fignoler la vocation de ses enfants, il n’en avait rien à foutre ». C’est donc le premier qui mit Dado dans un atelier avec l’odeur de la térébenthine, de l’huile de lin, des chiffons sales imbibés de peinture et il fut son professeur des beaux-arts même si, avec son neveu, cela ne se passa pas forcément bien car il reprochait à la peinture du jeune adulte un côté décadent.
En effet, Dado peignait déjà des personnages avec des gros yeux, des bouches ouvertes ; il fut taxé pour cette cause de « petit cinglé de neveu ».
Dado reste un artiste majeur du XXème siècle. C’est une sorte de Chardin de ce siècle avec son côté muet et une peinture en absence d’anecdote. Ce qu’il retient dans son expressionisme reste le jeu des formes et des couleurs en un lyrisme particulier dans l’art le plus libre qui soit.
Guidé par un souci de réinvention permanente, il a développé une œuvre hantée par la rencontre du vivant et de la mort, en marge des courants artistiques en de multiples supports : papier, toile, sculpture, gravure, décors d’opéra, œuvres in situ, numérique. Le tout dans un mixage de la culture (et mythes) de son pays d’origine et celle de son pays d’adoption.
Les formes humaines, animales, invertébrées, se mêlent pour donner naissance à un monde hybride et inquiétant. La matière est l’homme. Il possède chez un tel peintre le privilège de la terreur et reste le plus inquiétant qui soit là où le peintre fit siennes des figures qui a priori n’appartenaient pas forcément à son monde : celle de Henri Michaux et de Buffon.
jean-paul gavard-perret
Dado, Portrait en fragments, L’Atelier Contemporain, 17 novembre 2023, 240 p – 25,00 €.
