Claudine Gaetzi, Grammaire blanche

Claudine Gaetzi, Grammaire blanche

Effacements et apparition

A travers Grammaire Blanche (suivi de Belles saison imparfaites), Claudine Gaetzi élimine la pure conceptualisation, l’allégorie, le symbole. Mais tout autant le scepticisme distingué, les manières marmoréennes. Elle ne retient que les choses vues même lorsque les yeux se ferment. Si bien qu’il existe là un courant continu entre le dehors et le dedans, le présent et le passé au sein d’un processus d’effacement dont l’auteure préserve des points d’échappement.
Claudine Gaetzi sort la poésie des ineffables gamineries où l’égo se complaît ; elle ne sollicite aucun fait, évite le récit et ne cherche pas à ciseler des pommeaux littéraires et ornementaux à la manière d’un graveur. Se donne ici une méditation affective (mais sans épanchement lyrique) et une médiation sur le sens à donner à ce qui reste et existe. L’auteure y oppose au « concept » un élément mystérieux fait de mots simples. Ils deviennent l’essence d’une expérience nouvelle au moment où l’auteure cherche à mieux habiter « la maison de son être ».

Elle la voudrait presque vide – même si ceux qui l’aiment peuvent la suivre – mais elle reste habitée d’une mémoire à laquelle le chagrin lui-même devient source d’équilibre. Dans sa force minimaliste, le livre nous fait sortir de l’énoncé et nous projette au-delà de la pensée, au-delà de ce qui existait déjà de quelque façon. Le texte ne semble ni créé ni choisi mais découvert, dévoilé, tiré des obscurités intérieures où il préexistait chez l’auteure en tant que loi de sa nature et à laquelle son écriture donne forme entre apparition et disparition.
Ici, la contemplation du monde ne se fait pas indépendamment du principe de la raison mais elle le dépasse. Le langage devient une affaire de vision plus que de technique pour atteindre ce « point » qui n’existe pas mais là où il faut « se résoudre aux événements qui n’ont pas lieu, rencontres manquées. Amour donné au vide ». Jusqu’à peut-être en provoquer le plein.

jean-paul gavard-perret

Claudine Gaetzi, Grammaire blanche, Editions Samizdat, Le Grand Saconnex, 2018.

3 réflexions sur « Claudine Gaetzi, Grammaire blanche »

  1. Ping : Lecture musicale: « Grammaire blanche » de Claudine Gaetzi – Jeudi 8 novembre 2018 à 18h30 – Librairie l'étage
  2. Ping : Lecture musicale: « Grammaire blanche » de Claudine Gaetzi – Jeudi 8 novembre 2018 à 18h30 – Librairie l'étage

Laisser un commentaire