Claude Luezior, Armand Niquille, artiste-peintre au cœur des cicatrices

Claude Luezior, Armand Niquille, artiste-peintre au cœur des cicatrices

Niquille par Luezior : déambulatoires du mystère

Pour Niquille et selon son « biographe », l’art n’est plus fait pour infuser du fantasme. Jaillit l’autre que nous ne pouvons oublier : l’autre semblable et frère qui prend figure de totem où jouent dans un humour terrible les compulsions de vie et de mort. L’art devient avant tout un acte de puissance plus que de jouissance où le temps est arrêté au sein même d’éléments qui en disent, sinon sa fragilité, du moins son passage.
Plus question de trouver le moindre confort. Ce qui jaillit des œuvres semble provenir directement de la matière et non du discours événementiel qu’elles “ illustreraient ”. Emergent une horreur mélancolique mais aussi une drôlerie en ce que la peinture volontairement primitive possède soudain d’avènementiel en une forme d’entente tacite avec l’existence. Nous y sommes non invités mais jetés comme s’il fallait préférer la douleur du crépuscule à la splendeur du jour.

Claude Luezior souligne par ailleurs le parcours singulier de l’artiste né le 30 mars 1912 à Fribourg. Sa trajectoire est à la fois singulière, solitaire quoique tournée vers ses contemporains. Fils renié d’une famille noble, caillassé par des gamins au nom de son engeance, il sut néanmoins s’en sortir. Grâce à la bienveillance de l’architecte Denis Honnegger, venu de Paris, Niquille disposa d’un atelier et celui-là lui demanda plus tard de réaliser le Chemin de Croix de l’Eglise du Christ-Roi.
Dans ce même contexte d’effervescence culturelle, Niquille a l’occasion de rencontrer de nombreux intellectuels français venus donner une conférence à l’Aula : Paul Valéry ou Paul Claudel font partie des écrivains que Niquille a rencontrés à ce moment-là.

Le parcours de l’artiste est jalonné par le soutien bienvenu de plusieurs admirateurs qui utilisent leur talent et leur énergie pour donner à cette œuvre la place qui lui revient. Et ce, même si le peintre voulut parfois s’en abstraire en signant ces œuvres « Nihil ». Claude Pochon sut valoriser les expositions de Niquille grâce à des articles nombreux et marquants dans la presse. Il fut le fidèle parmi les fidèles. Marcel Strub, homme de lettres à la grande culture, a écrit très tôt des textes d’une grande finesse à propos de Niquille. En 1966, il organise au Musée d’Art et d’Histoire de Fribourg une grande rétrospective (254 œuvres) qui marquera profondément les esprits. Son successeur, Michel Terrapon, à la sensibilité artistique très vive, met également sa plume au service de l’œuvre de Niquille. En 1976, il invite le peintre au Musée d’Art et d’Histoire afin de présenter une vaste exposition qui met en lumière la Peinture nocturne de Niquille et connaît un grand succès.

Grâce à ces manifestations publiques dues à l’initiative de deux directeurs éclairés, Armand Niquille est désormais connu du grand public fribourgeois. Le livre de Luezior qui fut son élève et un de ses amis proches met en évidence et parachève la place du Fribourgeois. Celui-ci resta fidèle à une éthique personnelle particulière qui l’amena à ne pas rechercher la reconnaissance en dehors de sa ville.

jean-paul gavard-perret

Claude Luezior,

– Armand Niquille, artiste-peintre au cœur des cicatrices, Editions de l’Hèbe, 2015.

Armand Niquille de Fribourg à Charney, Musée de Charney, du 11 octobre au 20 novembre 2015.

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