Celle qui a renoncé à conduire une Porsche vert bouteille décapotable : entretien avec Lucile Littot (Bons Baisers De La French Riviera & Sur un air De Wagner)

Celle qui a renoncé à conduire une Porsche vert bouteille décapotable : entretien avec Lucile Littot (Bons Baisers De La French Riviera & Sur un air De Wagner)

Lucile Littot conjugue les variations, traverse des résistances, des seuils, emporte l’histoire de l’art, la refait, la casse au besoin de multiples manières et matières. C’est à la fois jouissif et angoissant. La plasticienne semble tenir les rênes d’un chariot suspendu au dessus du vide. Celui-ci malmène les yeux, à la remorque d’un os à ronger pour voir jusqu’où les langages peuvent soutenir la séparation et où réside leur butée, leur limite de changement d’espace et leur vitesse portée à blanc entre bandes et sarabandes, au sein d’un immense carnaval de formes, légendes (revisitées) et de temps.
Bref, Lucile Littot sépare pour unir,  plonger dans le puits de l’invisible et de « l’âme à tiers » (Lacan) afin d’en ramener à la surface tout ce qui est digne d’être sauvé. Puis, comme une de ses doubles, elle est emportée d’un petit rire sardonique. Elle repose « ses lunettes façon Lolita sur le peu de nez qui lui restait ». Et qui lui reste encore pour charmer les princes de toutes sortes.

Pour en savoir plus à voir absolument : http://lucilelittot.com/
Voir aussi Les Inrocks

Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La langue rose de mon chihuahua mix, Andy Dandy.

Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des oeuvres d’art.

A quoi avez-vous renoncé ?
À conduire une Porsche vert bouteille 1960 décapotable sur les hauteurs du rocher de Monaco à 160 km heures, foulard au vent. Je n’ai toujours pas le permis.

D’où venez-vous ?
De vies antérieures aristocrates. Ici même, d’une famille qui aime les animaux.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
La couronne d’une martyre.

Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Les croissants aux amandes et les chaussures Miu Miu.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Tout et Rien.

Comment définiriez-vous votre approche du corps ?
Sensuelle. Avec ou sans suite.

Comment choisissez vous pour chacun de vos travaux le « genre » et la matière ?
« Barrocorococo » est mon mot d’ordre.

Quelle est la première image qui vous interpella ?
« Étude d’après le portrait du pape Innocent X par Velázquez » de Bacon. Mon père m’avait emmené à la rétrospective en 1995 à Beaubourg. J’ai pleuré devant la peinture dans mes babies de petite fille. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Stendhal, il me semble.

Et votre première lecture ?
« Chair de poule », toute la collection.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Lana Del Rey en mode repeat.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Ailleurs » de Henri Michaux.

Quel film vous fait pleurer ?
Question très difficile… Il y en a tellement.. Je vous en donne trois comme ça . « Barry Lyndon » de Kubrick pour la scène du baiser déjà fané, « Tout sur Ma mère » d’ Almodovar pour la scène de l’arrivée de l’avion sur Barcelone et la ronde de motards devant les travestis. « Sailor et Lula » de Lynch, et la scène de fin où Sailor saute de capots en capots de voitures pour retrouver Lula et lui chanter « Love me tender ». Ah oui et aussi la scène de « Memories are made of this » dans « Le secret de Veronika Voss » de Fassbinder. Et surtout Gena Rowlands dans « Une femme sous influence » et « Love streams » de Cassavetes.

Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
« Chaque jour devant la glace
Je vois des rêves qui passent
Et qui s’effacent
C’est le temps qui se cache

Mais moi je vis ma vie
A pile ou face
toutes mes émotions
A pile ou face
Chaque sensation
A pile ou face
Sans hésitation
Un coup je passe
Un coup je casse »

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Jean-Luc Godard.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Capri.

Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Mike Kelley , Karen Kilimnik , Marnie Weber, Nikki De Saint Phalle, Louise Bourgeois, Joyce Caroll Oates, J.T Hoffeman, Curzio Malaparte, Lewis Caroll, Honoré De Balzac

Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Ne tentez pas le diable.

Que défendez-vous ?
Moi et mon coeur sauvage.

Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Voila pourquoi j’aime les chiens.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Je suis aussi amnésique que lui.

Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Si je préférais un Yacht ou un Quatre mats, avec ou sans champagne.

 Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 4 juillet 2018.

Laisser un commentaire