Cécilia Jauniau, Rue Haxo

Cécilia Jauniau, Rue Haxo

Rendez-vous

Difficile de croire que l’art visuel ne soit qu’un jeu là où la femme dit en substance – comme Madame Edwarda de Bataille montrant son sexe – : « Regarde car je suis ton Dieu ». Cécilia Jauniau propose donc le rendez-vous le plus fractal mais poétique aussi avec l’espace le plus intime de la féminité.
Images (photographies et dessins) disent ce que les mots ne pourraient pas montrer.

« Hier soir j’avais envie de t’aimer » fracture en son centre le livre mais reste une énigme. Car la créatrice ne dit ni qui ni comment même si – et quoique les indices restent un mystérieux appel à la tentation – un indice est donné à la fin du livre.
Quant au titre du livre, il offre aussi un chemin à qui connaît l’artiste et son œuvre.

L’impudeur des photos et la métaphore des dessins racontent l’histoire du volcan et de son labyrinthe dans le noir et blanc des seconds et les couleurs des prises. Il existe forcément une sorte de « pornographie » si on entend par là que l’artiste donne à voir de la façon la plus crue ce qui « normalement » échappe à la vue, au cercle étroit de l’intime.
Mais le voyeur sera toujours déçu car, d’une certaine manière, son personnage emblématique – « Je » – reste inaccessible à sa prise. Métaphoriquement et visuellement, nous devenons sans doute des Narcisse mélancoliques interrogeant la généalogie d’où nous venons et où nous ne cessons de nous rendre.

Il se peut aussi que ce livre apprenne l’angoisse inhérente à tout acte de franchir une porte interdite, d’arpenter un lieu qui n’est pas le nôtre, donc de vouloir entrer en effraction avec le secret de l’autre. En tout état de cause, Cécilia Jauniau reprend ainsi la descente du Igitur enfant de Mallarmé.
Comme lui, elle émet un coup de dés, entre dans un « tombeau » pour qu’il soit pénétré et éprouver ce que cachent les formes d’un tel lieu. Celles d’un avoir-lieu là où, pour rester avec Mallarmé, « rien n’aura lieu que le lieu ».

jean-paul gavard-perret

Cécilia Jauniau, Rue Haxo, Editions L’espace d’en bas, Paris, 2023, non paginé – 10,00 €.

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