Anne Portugal & Vincent Broqua, Et là je me mets en danseuse
Opération
Ce livre (étrange) d’Anne Portugal et Vincent Broqua est accompagné d’un dessin de Jim Dine (preuve que ce n’est pas rien) que précède la formule : « être rabalaïre ». Si bien que cet opuscule est l’écho du livre d’Alain Guiraudie. A travers lui, ce texte devient pratiquement une théorie ou une expérimentation sur une écriture à plus de quatre mains. Les deux complices ne sont pas à leur essai. Lors du covid, ils ont travaillé quotidiennement par téléphone pour une traduction. Ce fut une ligne de travail suivant les préoccupations et modalités de leurs propres systèmes d’écriture.
Mais dans cette aventure, Rabalaïre d’Alain Guiraudie les rendit enthousiastes. Selon Anne Portugal et pour preuve, ce livre « réunissait toutes les qualités d’un livre qu’il fallait absolument écrire en ces temps d’aujourd’hui ». Et l’autrice d’ajouter : « il y en avait : des cœurs, des âmes, et des bites. Ah oui, des soulèvements, il y en a : des érotiques, des musculaires, des sociaux, des psychédéliques, des amoureux, des syndicalistes, des émotifs, des écologiques, des populaires, des criminels, des religieux, des mystiques ». Cette réussite était pour eux parfaite mais les critiques de la bien-pensance furent peu diserts et rarement élogieux. Face à de tels imposteurs, les deux auteurs se sont mis en danseuse, dans leur posture programmatique, emportés par la vélocité du narrateur pour d’autres exercices littéraires de l’ordre de l’euphorie.
D’où cette approche quasi théorique de l’anti-système du roman : « ça nous a détendus, nos freins ont lâché », disent-ils. Quitte à convoquer des références parfaites, manière d’opérer leur crique dans le livre de Guiraudie. d’où en conséquence Rousseau, Diderot ; des peintres : Kaspar Friedrich, Watteau, Chardin ; des chansons de Dalida, de Céline Dion, de Berger ou de Barbara, etc… Entre mouvement de légèreté et de liberté, le texte de Guiraudie, leur a permis de feindre « notre stupidité et nos différends, ». Voire ! Existe alors une opération au sens d’ouverture. Les deux chirurgiens ont créé une performance « critico-romanesque » à valeur d’exemple.
jean-paul gavard-perret
Anne Portugal & Vincent Broqua, Et là je me mets en danseuse, éditions Les Cahiers de la Seine, 2025, non paginé – 15,00 €.