Un complot qui vaut son pesant… d’or !
Le titre est tout à fait approprié car les auteurs se livrent à une véritable hécatombe dans Barro-City. Ils n’ont jamais été tendres avec leur héros mais dans cet album ils le placent dans des situations particulièrement violentes, lui faisant vivre des moments très douloureux.
Avec un appât tel que l’or, c’est la porte ouverte à toute une série de tentatives menées avec plus ou moins de bonheur pour s’approprier cette richesse. Mais les auteurs ne se limitent pas à une suite d’attaques. Ils proposent une intrigue retorse à souhait avec une galerie de protagonistes singuliers et hauts en couleurs. Le complot imaginé par les scénaristes vaut son pesant …d’or !
Le héros manchot a récupéré l’or de Maximilien, ce Français empereur éphémère du Mexique. Avant de le rendre à qui de droit, il faut le stocker et surtout le mettre à l’abri des convoitises. Mais une telle fortune attise les tentations.
À Barro-City la pluie qui tombe depuis des semaines anesthésie toutes activités. La fréquentation de L’Infierno est en chute libre depuis que le Pink Lady’s s’est ouvert à quelques mètres.
Le maire est inquiet depuis que l’or est entreposé dans les coffres de la banque. Il attend avec impatience le détachement que l’armée doit lui envoyer. Lorsque les soldats arrivent, ils prennent, par la force, le contrôle de la ville, forçant le maire à donner les pleins pouvoirs au colonel Carter, le chef. Ils tirent sur le shérif et s’arrogent la justice. Cependant, si des voyous s’en prennent à la banque, ils interviennent de façon plus que brutale. Leur attitude inquiète Bouncer qui a refusé de leur donner l’hospitalité.
Survient alors Grandini, le plus célèbre magicien de tout l’Ouest, et son assistante Miss Wanda. Ils logent et donnent spectacle à L’Infierno…
Les auteurs abordent des thèmes sociaux et humanistes en lien avec l’Histoire de l’Ouest. On retrouve le racisme contre les Buffalo Soldiers, ces noirs intégrés dans des régiments de cavalerie et envoyés pour lutter contre les révoltes indiennes.
C’est la foule et sa bêtise, ces individus qui, en groupe, ne savent gérer les situations que par le lynchage. C’est la course à la richesse mais aussi les séquelles de la guerre de Sécession, cette guerre fratricide entre les Américains du Sud et ceux du Nord.
Le graphisme assuré par François Boucq reste un modèle du genre. Il n’a pas son pareil pour mettre en images ces contrées sauvages, ces villes champignons, ces 0protagonistes révélateurs d’une population. Il génère une atmosphère sombre avec cette pluie incessante qui occasionne nombre de dégâts. La tension est renforcée par une mise en couleur qui met en valeur les ombres. À la couleur, il est assisté par Alexandre Boucq.
Un superbe album avec des planches de belle dimension, un récit passionnant, d’une forte intensité, un complot remarquable et un dénouement bien surprenant.
serge perraud
François Boucq (scénario, dessin et couleurs), Alejandro Jodorowsky (scénario) & Alexandre Boucq (couleurs), Bouncer — t.12: Hécatombe, Glénat, coll. “24x32”, novembre 2023, 144 p. — 24,95 €.